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marchandises y parviendront sans fatigues, sans risque d’avaries, et à bien moindres frais.

Amis, dévoués et conseillers écoutés de l’empereur Ménélik, MM. Chefneux et Ilg ont obtenu de lui, le 26 octobre 1896, la concession pour quatre-vingt-dix-neuf ans d’une ligne de chemin de fer de Djibouti à Addis-Ababa et au Nil par Harrar, et l’autorisation de transférer leur privilège à une compagnie française, la Compagnie impériale des chemins de fer éthiopiens. La Compagnie jouit d’un véritable monopole et ne redoute pas de concurrence, car l’empereur s’est engagé à n’autoriser la construction d’aucune ligne rivale et à faire tout ce qui dépendra de lui pour que toutes les marchandises, sortant d’Ethiopie ou y entrant, soient transportées par le chemin de fer[1]. Ainsi, dès qu’elle sera ouverte de Djibouti au Harrar, la voie ferrée nouvelle servira nécessairement de débouché au commerce des hauts plateaux ; elle deviendra très vite, comme celle du Congo belge, l’émissaire de toute une région.

La première section, de Djibouti au Harrar, est seule en ce moment mise en œuvre : elle a été inaugurée l’été dernier jusqu’au 109e kilomètre, où se trouve un point d’eau important, elle va l’être jusqu’au 140e ; à partir de là, il suffira, pour ainsi dire, de poser les traverses sur un terrain plat et solide, et l’on compte qu’au mois d’août 1901, la locomotive atteindra El-Bah, dans le Harrar, à 270 kilomètres de Djibouti. Là finit la steppe volcanique, sans eau, à peine parsemée de quelques maigres bouquets de mimosas et tachetée au printemps de rares touffes d’herbe ; le voyageur pénètre avec joie dans la région bien arrosée, verdoyante et riche de Harrar : El-Bah est au pied des plateaux, à une quarantaine de kilomètres de cette ville. Le rail, pour le moment, s’arrêtera là ; plus tard, il bifurquera : la ligne principale se dirigera vers Addis-Ababa, tandis qu’un embranchement atteindra Harrar. Mais ce tronçon, de 40 kilomètres, devrait franchir un col de 2 030 mètres pour redescendre ensuite à 1 800, et coûterait au moins cinq millions de francs. El-Bah, reliée à la ville de Harrar par un service régulier de chameaux, continuera donc provisoirement d’être tête de ligne et deviendra

  1. Cette concession ne pouvait naturellement manquer de soulever des protestations et des réclamations. On en trouvera l’expression souvent très vive dans deux ouvrages anglais tout récens, l’un de M. Herbert Vivian et l’autre de M. Auguste Wylde.