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compagnie ruinée ! Mais, politiquement, le coup était manqué : le Portugal s’était sauvé tout seul ; il n’avait pas été besoin de recourir « aux remèdes héroïques, » c’est l’expression qu’employait le lendemain de l’arrêt le Morning leader et il ajoutait : « ce qui est heureux dans l’état actuel de la politique en Afrique du Sud. » Les allaires de l’Angleterre, en effet, ne semblaient pas alors s’arranger au Transvaal au gré des désirs impérialistes, et il est à croire que le gouvernement de la Reine ne tenait pas, à l’heure même où certaines puissances auraient pu songer à intervenir en faveur des Boers, à faire naître, à propos de Delagoa-bay, de nouveaux embarras diplomatiques. Le cas prévu dans le traité secret avec l’Allemagne ne s’étant pas réalisé, tout projet de partage se trouvait, pour le moment du moins, abandonné.

En ces derniers mois, un étrange revirement s’est accompli dans les relations du Portugal avec l’Angleterre. « L’étroite amitié » de la Grande-Bretagne et de sa « plus fidèle alliée » s’est manifestée ouvertement quand le gouvernement de Londres a demandé et obtenu, sans difficultés, le passage de ses troupes à travers le territoire du Mozambique pour aller attaquer par le nord les commandos boers. Pour justifier cette audacieuse violation du devoir des neutres, sir Hugh Mac Donell, ministre d’Angleterre à Lisbonne, a invoqué « les notes échangées entre M. Petre et le comte de Val boni en 1891 ; » et le représentant du Portugal à Pretoria, M. Demetrio Cinatti, a allégué « les conventions antérieures et bien connues qui obligent le Portugal à livrer ce passage. » On ne connaissait jusqu’ici rien de tel dans le traité de 1891, ni dans les négociations qui raccompagnèrent. Au reste, l’intérêt de cet événement consiste tout entier en ce qu’il a révélé la puissance et la nature des liens qui attachent le Portugal à l’Angleterre. L’alliance récemment proclamée à grand bruit est apparue moins comme le résultat d’une cordiale intimité que comme la conséquence d’une véritable vassalité.

Ainsi la colonie du Mozambique, mutilée en 1891, fréquemment menacée depuis lors de partage ou de démembrement, ouverte à toutes les entreprises et à tous les intérêts anglais, ouverte même aux belligérans quand ils sont Anglais, reste, malgré tout, sous la loi de Sa Majesté Très Fidèle ; le traité d’alliance lui en garantit, dit-on, la tranquille possession ; mais c’est plutôt de