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leur poids qui augmente. Loin de se déprimer mutuellement, ils s’encouragent, se racontent leurs progrès : une espèce, d’émulation suggestive s’établit entre eux, qui les maintient dans la bonne voie.

On affecte encore de redouter les effets de l’isolement moral auquel le sanatorium condamne les malades, éloignés de leur demeure et de leur entourage habituel. En réalité, cet isolement, loin d’être un mal, est un des facteurs les plus utiles de la cure. Les tuberculeux sont pour la plupart des êtres faibles, dont la résistance nerveuse est insuffisante et dont la volonté a fléchi : le voisinage de leurs proches, la sympathie, la pitié même qui leur sont témoignées, entretiennent chez eux une sensibilité maladive, une sorte de vibration nerveuse absolument défavorable à leur rétablissement ; comme les neurasthéniques, ils pensent incessamment à leur mal et s’en nourrissent ; comme eux, ils ne l’oublient que lorsqu’on ne leur en parle plus. Incapables de résister aux influences ambiantes, ils passent de l’extrême confiance à l’extrême découragement, sont poussés tantôt à exagérer les précautions, tantôt à multiplier les imprudences. Transplantés au sanatorium et soumis à la direction bienveillante, mais ferme, du médecin en chef, entraînés d’ailleurs par l’exemple de leurs compagnons de cure, ces malades ne sont plus les mêmes, ils retrouvent avec le calme moral la volonté) de guérir et l’énergie nécessaire pour suivre sans exagération ni défaillance la ligne de conduite qui leur est tracée.

Il va sans dire que la famille restée en arrière ne doit pas être laissée sans ressources pendant l’absence de son chef : tout sanatorium populaire doit être complété par une caisse de secours ; sans quoi, l’inquiétude et le chagrin empêcheraient le malade de se remettre et lui feraient réclamer prématurément sa sortie. Quant à la difficulté, souvent alléguée, de maintenir une discipline suffisante, le médecin en chef saura y faire face, pourvu qu’il ait un peu de tact uni à beaucoup de fermeté. L’expérience des sanatoriums privés a montré que nos compatriotes ne méritaient pas leur réputation de malades intraitables et qu’ils étaient, au contraire, fort capables de se soumettre à une règle dont on leur avait fait comprendre l’utilité. Il en sera de même dans les sanatoriums populaires, d’autant plus que les malades apprendront bien vite à se surveiller entre eux et à s’éduquer les uns les autres. La discipline du crachoir et celle