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REVUE LITTÉRAIRE

DEUX ESSAIS SUR L’ŒUVRE DE TAINE

Aujourd’hui, en France, tout homme qui écrit est débiteur de Taine. L’influence de ce maître est celle qui, depuis trente ans, s’est répandue de la façon la plus générale, exercée avec le plus de puissance et de continuité. Critiques, historiens, philosophes, romanciers, poètes, tous se sont inspirés des idées qu’il a, par son impulsion féconde et vigoureuse, contribué à répandre et fait entrer dans la circulation. Parmi les écrivains les plus réfléchis de l’heure présente, les uns ne font, suivant la belle expression de M. de Vogué, que creuser dans le sillon que Taine a ouvert ; d’autres, qui se séparent de lui et s’écartent de plus en plus de quelques-unes de ses théories ont, pour en diverger ensuite, pris dans ces théories mêmes leur point de départ. Altérées, faussées, défigurées et pourtant reconnaissables en dépit de ces déformations, elles ont pénétré dans le domaine commun et servent aux illettrés pour exprimer sur des questions d’histoire et de littérature des opinions décisives. C’est dire qu’avant de longues années encore il sera bien impossible de formuler sur l’œuvre de Taine un jugement d’ensemble, d’en apprécier l’originalité, et d’en mesurer la portée. Cette œuvre nous est pour ainsi dire trop intérieure : il faudra que nous nous en soyons progressivement détachés afin d’en venir à l’apercevoir du dehors dans sa juste perspective. Il faudra que nous en ayons vu peu à peu tomber les parties mortes et que nous en ayons suivi dans leurs dernières conséquences les principes actifs. Il faudra enfin qu’elle ait elle-même subi le lent et minutieux travail de la critique. Ce travail est commencé. Aux études critiques déjà publiées