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le ton de la littérature au lieu de le réduire, comme il arrive trop souvent, à n’être qu’un instrument, de scandale. Avec une honnête énergie, elle signale les méfaits d’une certaine presse ; mieux vaudrait mille fois balayer ou laver le plancher que se dégrader, dit-elle, à cette vile besogne.

Aux Etats-Unis, des légions de femmes s’intitulent journalistes ; on croit généralement là-bas a, la nécessité, pour ce métier comme pour tous les autres, d’une préparation technique, et plusieurs Universités lui consacrent un « département » spécial. Ceux qui estiment, nous dit-on en passant, que le journalisme est en quelque sorte la bohème de la littérature, se moquent un peu de ce stage universitaire ; et elles ne l’ont pas toutes subi, les dames journalistes qui gagnent à New York ou à Chicago de 20 000 à 40 000 francs par an. Ce sont des exceptions, il est vrai, et les mille reporters femelles que relève le dernier recensement se contentent de beaucoup moins. La plupart sont sténographes et, de premier jet, écrivent à la machine, — certains grands journaux n’acceptant de copie que sous cette forme. L’interview s’impose à elles, bien entendu ; elles en abusent avec une indiscrétion que connaissent seuls dans toute son horreur ceux qui en ont été victimes ; ce qu’elles pourchassent, c’est la nouveauté. Le public demande chaque jour un tableau dramatique et mouvementé de ce qui s’est passé depuis vingt-quatre heures. Pour faire moisson de nouvelles, la femme-reporter sort par tous les temps, voit toute sorte de gens et, comme le dit l’une d’elles, est tenue de posséder trois ou quatre qualités principales : le sens commun, du calme, ce qu’il en faut pour pouvoir au milieu d’un cyclone, sans broncher, prendre des notes, un bon caractère, et, cette absence de susceptibilité qui l’empêche de remarquer au bureau du journal que ses confrères gardent leur chapeau sur la tête ou mettent leurs pieds sur la table. Quelques-unes gagnent ainsi plus d’argent que les innombrables fournisseurs attitrés de romans, d’essais, et de poésies pour Magazines. Mais le gain d’un simple reporter dans les grandes villes n’est guère que de vingt à quarante dollars par semaine.

A travers toute la République circulent des journaux hebdomadaires sous une direction féminine ; il n’en est aucun cependant dont on puisse dire, comme chez nous de la Fronde, qu’il soit fondé, rédigé, administré entièrement par des femmes. L’Américaine s’entend autant que l’Américain à faire réussir