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Schœlcher, Quinet, Peyrat, Corbon, Challemel-Lacour, M. Naquet, M. Ferrouillat, M. Henri Brisson. Un homme de gauche, le général Guillemaut, fut très goûté de l’Assemblée, un jour qu’il eut la bravoure de dire : « Ce n’est pas le courage qui a manqué à nos jeunes mobiles, en 1870, mais bien cet esprit militaire, cet esprit d’ordre, cette confiance qu’on a les uns dans les autres, et qui ne s’acquiert qu’en restant longtemps dans les mêmes rangs, soumis aux mêmes règles et aux mêmes devoirs. » L’Assemblée ne craignait pas de passer pour militariste, comme l’on dirait aujourd’hui : M. Farcy, attaquant le fétichisme du galon, souleva des rumeurs hostiles ; et, lorsque Denfert-Rochereau critiqua l’obéissance passive prolongée et accusa les mœurs de l’armée de tendre à l’abrutissement des hommes, il fit un succès, sans le vouloir, aux protestations indignées de Changarnier.

Le temps était étrangement lointain, encore que tout proche, où l’on parlait avec emphase, dans les clubs parisiens, de « l’armée disciplinée qui avait capitulé à Sedan, » des « armées indisciplinées qui avaient sauvé la France en 1792, » et des quinze millions de combattans que donnerait la levée en masse. On avait cessé de croire à la vertu de l’indiscipline et d’estimer qu’il suffit de quinze millions de capotes pour créer quinze millions de soldats. On redisait avec l’un des poètes qu’aimait alors la jeune République, M. Paul Déroulède :


La guerre est une tâche et non une équipée.
Ce n’est pas en un jour qu’on refait une armée,
Que des soldats sont prêts, des chefs bien obéis ;
Ce n’est pas en un jour qu’on refait un pays.


Thiers courbait ses amis de gauche sous le poids du témoignage de Camille Roussel pour établir que les volontaires de la République héroïque, s’ils n’eussent été encadrés par les restes de l’ancienne armée, auraient t’ait une assez triste figure ; et Chanzy ne rencontrait que de faibles oppositions, lorsqu’il réclamait, dès le mois d’août 1871, la dissolution des gardes nationales. Car la gauche, ambitieuse d’apparaître comme un parti de gouvernement, se refusait désormais à dire : « Périsse la France plutôt qu’un principe ! » Elle accordait crédit à Thiers, lorsqu’il s’écriait : « Il ne s’agit que de la France et de l’armée ; la Révolution n’a rien à y voir ; » et, lorsque Chanzy déclarait qu’ « on ne fait pas