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Elle implique la certitude, elle émane directement de Dieu. « J’en appelle à l’expérience de tous ceux qui l’ont goûtée ! » Elle est sainte, elle est suffisante, elle régénère l’âme, elle est spéculation et pratique, elle est vie nouvelle. Mais combien peu y atteignent ! Le principe propre de la révélation est que l’obéissance, à elle seule, peut suffire au salut. Sans lui, nous douterions du salut de presque tout le genre humain ! Ce principe est indémontrable : la révélation était donc absolument nécessaire. À ce principe seul Spinoza fait un acte de foi. Non scio more mathematico, sed credo[1]. Il y croit pour des raisons morales : ce qui a été confirmé par le témoignage de tant d’hommes inspirés, ce qui est une source de consolation pour les humbles, ce qui procure de grands biens à la société, ce que nous pouvons croire sans aucun risque intellectuel, il y aurait folie à le rejeter par le seul prétexte que cela ne peut être démontré mathématiquement.

Allons au fond des choses. Il n’y a pas deux lois, l’une pour les philosophes, l’autre pour le peuple. Il n’y a que deux points de vue, ou, selon l’expression de Spinoza, deux modes de connaissance. Le précepte : Aimez Dieu, est loi pour le peuple, vérité éternelle pour l’homme qui pense, et qui, par là, reçoit immédiatement cette révélation de Dieu. Jésus, en enseignant les choses révélées, non comme des lois, mais comme des vérités éternelles, a délivré les hommes de la servitude de la loi, et, en même temps, a établi la loi plus profondément dans leur cœur. La façon la plus parfaite d’obéir à la loi est de s’élever au-dessus d’elle. Il y a un état supérieur de l’âme où la loi même n’apparaît plus que comme un moyen. « Celui qui possède la charité, la joie, la patience, la douceur, la bonté, la foi, la mansuétude, la continence, je dis de lui, avec Paul, que la loi de Dieu n’est pas écrite contre lui. » Il peut se dire vraiment rempli du Saint-Esprit, car « le Saint-Esprit, c’est la paix parfaite de l’âme. »


VI

Telle est cette sorte d’Apologie de la religion chrétienne. Elle parut la même année, on peut dire en même temps[2] que

  1. Lettre 21. Van Vlot., in-12, II, p. 281.
  2. Le traité de Spinoza est antérieur au 8 mai 1670, date de la première réfutation qui en fut faite (Thomasius, Progr. adc. anonym. de libevt. philosophandi). La première édition des Pensées de Pascal est antérieure au 23 mars, date d’une lettre d’Arnauld à Périer où il en est question.