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humbles, et voudra y pourvoir. Une adhésion active, un élan de confiance plus marquée, commencent à se manifester dans les profondeurs du peuple.

A partir de pluviôse, c’est-à-dire à la fin de janvier et pendant la majeure partie de février, les observations recueillies par la police donnent presque quotidiennement la même note. Ces rapports méritent en général peu de créance, lorsqu’ils s’attachent à préciser des actions ou des tendances individuelles, et qu’à ce sujet l’imagination concurrente des policiers se donne librement carrière. Il en est autrement, lorsqu’ils constatent un mouvement d’ensemble, un courant d’opinion, et qu’une impression générale s’en dégage.

Jusqu’alors, si intéressés que fussent les agens à plaire au pouvoir nouveau, ils n’avaient signalé dans la population ouvrière de Paris qu’atonie et langueur ; sous le calme plat de la surface, des oscillations vagues et un peu inquiétantes, cette houle de fond qui survit aux tempêtes. A présent, un mouvement plus précis et plus fort se dessine ; l’ouvrier de Paris prend parti, mais il prend parti pour Bonaparte. — 10 pluviôse : « Il se forme en faveur du gouvernement et avec beaucoup de rapidité une opinion qui va devenir très forte. » — 11 pluviôse : « L’ardeur avec laquelle le Premier Consul s’occupe de la chose publique y rattache tous les esprits. On ne s’entretient que de la constance de ses travaux, que des soins qu’il prend pour détruire jusqu’aux germes de nos divisions… L’espérance renaît dans tous les cœurs, le crédit public va renaître avec elle. » — 12 pluviôse : « La tranquillité apathique des habitans de Paris tenait à l’incertitude de leurs idées sur les suites du 19 Brumaire ; aujourd’hui, la marche fière du gouvernement, sa justice impartiale, ses mœurs austères, inspirent la confiance. C’est parmi les ouvriers que l’on remarque particulièrement les progrès de cette confiance. On a entendu des habitans du faubourg Antoine, le jour de la décade, crier en buvant ensemble : Guerre à mort au gouvernement anglais, guerre à ce gouvernement tyrannique qui refuse la paix que Bonaparte lui a proposée ! D’autres faisaient entendre ailleurs le cri de : Vive Bonaparte ! vive le gouvernement ! Tous parlaient avec confiance du Premier Consul, que les royalistes s’attachent à calomnier[1]. » Malgré leurs maux

  1. Rapports de police. Archives nationales, AF, IV, 1329.