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géographique de la grêle, — si l’on peut s’exprimer ainsi, — suivant la coordonnée de latitude ne comporte pas moins d’anomalies.

D’abord les auteurs ont proclamé bien haut que le météore se réservait pour les latitudes moyennes ou pour la zone tempérée, jouissant seule de ce privilège (peu enviable, à la vérité). Par conséquent, étaient exemptes de grêle les régions équatoriales et les terres arctiques. On est en droit d’objecter à cela que la grêle, tout en tombant rarement, peut se précipiter à l’occasion sur le blanc manteau des solitudes polaires ; — de faire remarquer que le phénomène, neuf fois peut-être sur dix, passe inaperçu faute d’observateurs ; qu’un Groenlandais, ou même un Européen peu instruit, ne comprendra rien à un accident météorologique non susceptible de laisser des traces, sur un sol déjà glacé, et impuissant par force majeure à endommager une végétation chétive et extraordinairement clairsemée. Toutefois, l’absence de grêle aux régions arctiques semble à peu près prouvée, — et c’est à dessein que nous employons l’expression « à peu près. »

Mais alors, dira-t-on, comme, dans la zone tempérée, l’altitude, quand elle est suffisante, peut compenser la médiocrité de la latitude et engendrer un climat analogue à celui de la zone glaciale, il ne tombera pas de grêle, en bonne logique, au sommet du Mont-Blanc, par exemple. Pourtant le témoignage de Saussure est formel ; il grêle parfaitement sur les neiges éternelles des Alpes ; et, quant à la cime en question, le docteur Paccard et Jacques Balmat affirment nettement l’avoir vue cinglée par les grêlons.

On n’ignore pas non plus que, sous les tropiques, lorsqu’on s’élève suffisamment dans les montagnes, on retrouve l’équivalent du climat de nos pays. La grêle alors se manifeste. Nous invoquons à notre appui les observations de Humboldt, le témoignage de Boussingault, qui tous deux ont subi d’épouvantables tourmentes de grêle dans les Cordillères des Andes. En août 1830, à Mexico, qui se dresse à 2 247 mètres au-dessus du niveau de la mer, une telle averse de grêle se déchaîna sur la ville que les chevaux, — s’il faut en croire la légende, — s’enfonçaient jusqu’à mi-jambe dans la couche de projectiles. Il tomberait enfin de la grêle plusieurs fois par an à la célèbre métairie d’Antisana, le lieu habité le plus haut du monde.

Si l’on ouvre les Annales de chimie et de physique pour