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Au second, dans une baie abritée, et dont, soit dit en passant, l’abri ne se comprend guère, puisque la tourmente, paraît-il, dure encore ; sous un arbre qui chante et dont l’ombre seule est un asile (car ce mélodrame est mêlé de légende), Jeannine et Richard goûtent les doubles délices de l’adultère et de l’inceste. La jalouse Marianne, qui les a surpris, les dénonce à Landry et les promet à sa vengeance. La tempête continue.

Elle fait rage durant tout le troisième acte. C’est l’acte du crime, mais non du crime attendu. Marianne a recueilli chez elle, pour les perdre, les deux amans. Après avoir une fois encore, et vainement, supplié Richard de l’aimer, elle va le livrer au poignard de Landry, quand, par un revirement soudain, elle désarme Landry et le frappe lui-même du coup dont il allait atteindre l’homme que, malgré tout, elle adore toujours.

Dernier acte : l’ouragan a cessé. Le calme est revenu dans la nature et dans les cœurs. Marianne, en dépit de ses remords, semble soulagée et comme détendue. Jeannine paraît lasse et moins désireuse de s’éloigner. Mais Richard surtout a perdu toute envie de l’emmener : « Assez, dit-il, avec une douce philosophie, assez de larmes et de sang ! » Et, comme sa petite moricaude le rappelle, il la suit ; à reculons, il est vrai, et non sans faire aux deux sœurs des adieux magnanimes, mais tout de même il la suit et s’en va pour jamais. D’aucuns ont qualifié ce dénouement de sublime ; à d’autres il a paru ridicule, et la seconde opinion nous paraît la plus défendable.

Il ne vous a point échappé que ce mélodrame est plein d’intentions et de prétentions symboliques. Le désordre des élémens accompagne et représente le désordre des âmes. « Orages du cœur, disait Chateaubriand, est-ce une goutte de votre pluie ? » Au troisième acte, le paroxysme de la passion coïncide avec celui de la tempête. Une lampe brûle sur la table ; deux fois la porte s’ouvre sous la poussée de l’ouragan, et Marianne de s’écrier chaque fois : « Fermez la porte ; le vent va souffler la lampe. » Une dernière rafale l’éteint, après le meurtre, et la moralité ne se fait pas attendre. « Vous n’avez pas fermé la porte : le vent a soufflé la lampe. » C’est d’un symbolisme analogue, mais avec plus de discrétion et de puissance, que, dans la scène de la mort de Claire, usèrent autrefois le Gœthe et le Beethoven d’Egmont. Enfin, les personnages de l’Ouragan ne sont eux-mêmes que symboles. Les auteurs les ont affranchis à dessein de toute condition et de toute contingence, y compris celle du temps et de l’espace. Une île imaginaire, que baignent des flots anonymes, est témoin de l’adultère en