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pourquoi, car il ajoute aussitôt : « Au moins celui-là avoit de l’honneur, de la valeur ; il avoit été toute sa vie à la guerre et y étoit arrivé au grade de lieutenant général[1]. »

Il est certain cependant que, pour un petit-fils de roi, l’accompagnement était médiocre. Louis XIV en eut le sentiment. Dans l’embarras d’y pourvoir, il jeta les yeux sur Rosen, cet ancien page de la reine Christine, originaire de Livonie, qui avait débuté comme simple soldat au service de la France et qui, de grade en grade, devait arriver à celui de maréchal. À ce moment, il n’était encore que lieutenant général, et nous l’avons vu au camp de Compiègne commandant le corps d’armée opposé à celui du Duc de Bourgogne, et répugnant « à faire le personnage de battu. » Lhomme, que Saint-Simon traite de vieux reitre, était de caractère peu commode. Louis XIV le fit appeler, et lui dit, avec cette bonne grâce dont il avait le secret quand il voulait s’en donner la peine, qu’il le destinait à être attaché à la personne de son petit-fils, et à lui servir de conseil pour sa conduite. « Cette proposition, continue Saint-Simon, qui ne put être accompagnée que de force cajoleries, flatta Rosen, qui l’accepta. » Mais il réfléchit qu’à ce métier de mentor, « qui avoit beaucoup d’épines du côté de la Cour, » il perdrait probablement le bâton de maréchal auquel, comme mestre de camp général de la cavalerie, il pouvait aspirer. Aussi « le lendemain, vint-il trouver le Roi et, faisant valoir auprès de lui qu’il le serviroit plus utilement en restant à la tête de la cavalerie, il s’en tira si dextrement que le Roi ne put lui en savoir mauvais gré[2]. »

Il fallait cependant trouver quelqu’un. Tous les lieutenans généraux sur qui Louis XIV aurait pu jeter les yeux étaient déjà engagés, qui en Flandre, qui en Alsace, qui en Italie. Le choix devait nécessairement porter sur l’un d’eux. Dans l’armée de Flandre, sous les ordres de Boufflers, se trouvait un bon officier, cadet d’une grande famille du Midi, les Montesquiou, dont il ne portait cependant pas le nom, car il était connu sous celui de d’Artagnan, qu’il tirait d’une terre. Ce nom, que le roman a rendu si célèbre, n’avait pas été inutile à sa fortune, car le Roi aimait à voir se perpétuer ainsi le souvenir de ce brillant capitaine de mousquetaires qui, assure Saint-Simon, « étoit outré si avant dans les bonnes grâces du Roi, qu’il y a toute apparence qu’il

  1. Saint-Simon, édit. Boislisle. t. X. 181.
  2. Ibid., t. X. p. 182.