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petit tableau où M. Jean Weber le symbolise et le caricature que dans tous les Krüger en redingote que le bronze immortalisera.

Enfin, dès qu’un souci de ressemblance ne les lie pas absolument, nos artistes écartent tout costume moderne. Parcourez les deux Salons, vous trouverez que tous les beaux ouvrages plastiques de pierre, — les Mineurs de Constantin Meunier, comme les Ouvriers de la frise du travail de M. Guillot et le Secret de M. Bartholomé, — représentent le nu ou les vêtemens serrant de près la forme humaine, et sans rien d’essentiellement contemporain.

Ainsi, plus de cinquante ans après qu’on avait annoncé son entrée dans la statuaire, le vêtement moderne est proscrit ou dissimulé par les maîtres des Salons de 1901. Est-ce là un hasard passager, une fragile coïncidence ? Non, les Salons de 1901 ne font que confirmer l’expérience des dernières années. Déjà, au Salon de 1899, il y avait une telle abondance de draperies imprévues, enveloppant des figures contemporaines, qu’on avait surnommé toute une région de la Galerie des Machines : « le coin des robes de chambre. » Hors des Salons, il en va de même. Les œuvres les plus puissantes de la sculpture contemporaine, les Bourgeois de Calais de M. Rodin et le Monument aux morts de M. Bartholomé, sont précisément celles où n’apparaît que le nu et que le drapé. Plutôt que de figurer un Guillaumet en veston et en chapeau melon, M. Barrias a évoqué sur sa tombe une jeune fille de Bou-Saada que le peintre avait peinte au cours de ses voyages. Tout ce qu’on peut découvrir de draperie dans les accessoires de la vie moderne est utilisé pour masquer notre costume. Le drapeau a servi naguère à M. Paul Dubois, comme il sert aujourd’hui à M. de Saint-Marceaux, non pas seulement pour révéler ce qu’il y avait de patriote dans l’âme du Duc d’Aumale, mais aussi pour dissimuler ce qu’il y avait de fâcheux dans la coupe de son habit, et, si le maître avait pu étendre les plis glorieux jusqu’aux pieds, comme fit Rude avec le linceul de son Cavaignac, de façon à cacher le bout des bottes du général, il est permis de croire que son monument eût encore gagné en grandeur.

Il semble d’ailleurs que beaucoup d’écrivains, tout en professant l’excellence du costume moderne, aient tenté, par un instinct plus sûr que leurs théories, de s’en libérer un peu pendant leur vie et de fournir à leurs statuaires le prétexte d’en libérer tout à fait leur image après leur mort. Tel Balzac avec sa robe de