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serait de courte durée. On crut d’abord qu’il allait moins commander qu’inspecter l’armée de réserve. Bien qu’il l’eût trouvée encore mal équipée, mal pourvue, composée d’élémens inégaux et disparates, il la poussa immédiatement sur Genève. De Genève, son premier billet à ses collègues laissés en arrière et formant une espèce de régence est pour leur rappeler la recommandation qu’il leur a faite en les quittant : « Je vois avec plaisir que Paris est tranquille. Au reste, je vous le recommande encore, frappez vigoureusement le premier, quel qu’il soit, qui s’écarterait de la ligne. C’est la volonté de la France entière[1]. »

Il n’en avait pas moins laissé l’exemple de ménager les opinions paisibles, de ne pas contrarier trop brusquement les habitudes des Parisiens et le train toujours passablement déréglé de leur vie. Cet exemple fut suivi en son absence. Les consuls Cambacérès et Lebrun, Fouché, le préfet de police, le préfet de la Seine menaient Paris très doucement. Par mesure générale, le ministre de la Police avait ordonné aux émigrés indûment rentrés de s’éloigner, mais il admettait des tempéramens, fermait les yeux sur les contraventions, dès qu’il s’agissait de personnes qu’il pouvait avoir un intérêt personnel à ménager, et il était toujours avec Fouché des accommodemens. Les réfugiés italiens avaient été invités à sortir de Paris, à se concentrer dans le département de l’Ain ; exception fut faite pour les femmes, les enfans et les vieillards.

Jusque dans les moindres choses, cette légèreté de main se faisait sentir. Le 1er prairial cependant, ce fut comme un coup d’État contre le désordre et l’encombrement des rues, mais un coup d’État en douceur, par persuasion et raisonnement. Il s’agissait de faire disparaître ces milliers d’étalages mobiles qui gênaient la circulation et de débarrasser la chaussée de cette végétation parasite : « C’est aujourd’hui que l’arrêté du préfet de police sur les étalages mobiles a reçu son exécution sur tous les ponts et quais. Il n’y a pas eu le plus léger trouble, tout s’est passé dans le plus grand calme. On sentait depuis longtemps la nécessité de cette mesure. Les étalagistes ont obéi sans qu’on fût obligé d’employer la force armée ; ils ont cédé aux raisons que les commissaires de police leur ont expliquées… » 2 prairial : « Les ponts ont été débarrassés hier de tous étalages mobiles

  1. Corresp., 4764.