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place de 75 francs par mois à l’école des Jésuites de la rue des Postes : mais cette aubaine n’a qu’une durée de quelques mois. Il y a aussi quelques leçons particulières et des consultations de chimie. Pour se procurer des ressources, il lui faut encore rédiger le Répertoire de Gaultier de Claubry, ou passer les soirées à traduire la chimie organique de Liebig.

Quant aux travaux personnels, il les poursuit à bâtons rompus, dans un petit laboratoire privé que Henri Deville et Cahours ont installé à leurs frais dans un taudis de la rue de La Harpe ; ou bien encore il va faire ses combustions et ses analyses, pendant les vacances, dans le laboratoire de Chevreul, où le préparateur lui offre une hospitalité presque clandestine.

Et cependant, du 22 octobre 1838 au 8 avril 1841, tout en accomplissant ses humbles besognes, ses analyses, ses traductions ; tout en préparant ses grades, et passant sa licence et son doctorat, Gerhardt dans cet espace de vingt-neuf mois trouva moyen de publier des travaux qui forcent l’attention du monde savant. Il fait paraître les recherches sur l’hellénine, un Mémoire sur la Constitution des sels organiques à acides complexes et leurs rapports avec les sels ammoniacaux ; un Mémoire, en commun avec Cahours, sur les huiles essentielles : celui-ci fut digne d’être inséré au Recueil des Savans étrangers.

L’ère des difficultés semble close. Gerhardt est docteur. La chaire de chimie de la Faculté des sciences de Montpellier devient vacante : J.-B. Dumas court chez le ministre Villemain ; il enlève la nomination. Le jeune savant est chargé de cours, le 16 avril 1841. Il n’a pas encore vingt-cinq ans.


II

Quelle était la valeur ou la signification de ces travaux de début ?

Les recherches sur les huiles essentielles sont remarquables par la précision des faits et l’exactitude des analyses qui n’ont point été contestées depuis. La découverte du cymène, du cumène et du cinnamène, des dérivés de ces corps, des acides correspondans, de quelques produits d’addition bromes, en forment tout l’intérêt.

Mais le Mémoire sur la Constitution des sels organiques porte déjà la marque de l’esprit révolutionnaire du jeune savant. Il attaque la théorie dualistique de Berzélius. L’illustre chimiste suédois avait voulu assimiler les corps de la chimie organique à ceux de la chimie minérale et il voyait dans les composés nitrés tels que la nitrobenzine et la