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Les alliances ne sont pas conclues par complaisance : elles correspondent à des intérêts supérieurs. Il serait donc imprudent d’entrer dans des combinaisons d’alliance parce qu’elles assurent un avantage dans le domaine de la politique commerciale : de même on ne peut les repousser parce qu’elles ne donnent pas une satisfaction absolue au point de vue économique. » Ces déclarations seront sans doute très bien accueillies en Allemagne : le comte de Bulow saura désormais qu’il n’a pas trop à se gêner avec l’Autriche-Hongrie, et qu’il peut donner à ses dépens des satisfactions assez larges aux agrariens de Prusse. Mais, à Rome, on goûte beaucoup moins cette manière de parler, ou, pour mieux dire, on ne la goûte pas du tout. Les journaux trouvent que le comte Goluchowski en a pris un peu à son aise, et qu’en somme l’avantage ou l’honneur d’être admis dans la Triple- Alliance ne dispense pas de pourvoir encore à d’autres besoins. Au reste, les intérêts politiques de l’Italie se trouvent-ils si bien de l’alliance avec l’Autriche ? Nous avons dit que la rivalité des deux pays était de plus en plus active dans la mer Adriatique. Un congrès albanais se réunissait récemment à Naples et le roi Victor-Emmanuel en acceptait la présidence nominale. L’Italie et l’Autriche ont les yeux également fixés sur ce coin de territoire ottoman. Heureusement, il y a entre elles la Triple-Alliance ; mais cette fois encore on peut se demander si la Triple-Alliance est une panacée et si elle pourra indéfiniment empêcher tout éclat. C’est une question qu’il faut laisser à l’histoire prochaine le soin de résoudre.

En résumé, le comte Goluchowski témoigne d’une confiance très diminuée dans la tranquillité des Balkans, et dans les garanties que peut donner à l’Autriche-Hongrie son entente de 1897 avec la Russie. Il jette sur l’ensemble de la situation un œil un peu inquiet, et ne déguise pas cette inquiétude, convaincu sans doute qu’il vaut mieux donner un avertissement, même un peu sévère, lorsqu’il en est temps encore. Au reste, il aperçoit, infiniment au-dessus des difficultés présentes et futures, un labarum sauveur, qui est la Triple-Alliance, et cela paraît le tranquilliser. Tel a été son discours : il en a prononcé de plus optimistes et de plus rassurans.


FRANCIS CHARMES.