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n’est, pour ainsi dire, jamais employée. Outre qu’elle serait plus chère et que son poids alourdirait le décor, elle offrirait par places des reflets lustrés, désagréables à l’œil. Avec elle aussi, il serait impossible de travailler en marchant sur les décors.

Cette obligation d’être en mouvement sans cesse, pour imbiber à nouveau son balai, rend le métier assez pénible. Les peintres en renom occupent une quarantaine de praticiens, dont les salaires varient, suivant leur capacité, de 1 à 3 francs l’heure ; les décors sont payés par les théâtres, depuis 4 francs le mètre carré pour les vues de campagne, « avec ou sans habitation, » jusqu’à 8 et 12 francs pour les marines, les palais ou les « architectures fantastiques. » Aux aides de divers grades il suffit d’une habileté de main professionnelle. Ils devaient tenir compte autrefois de la lumière jaune du gaz, qui modifiait les couleurs ; maintenant, l’électricité les altère à peine. Il suffit de donner les tons, à l’état frais, plus foncés qu’ils ne devront être devant le public, parce que la peinture à la celle s’éclaircit en séchant.

Quant au maître-décorateur, c’est de nos jours un véritable artiste, épris de ses œuvres et ne reculant devant aucun effort pour leur communiquer plus de vie. Nous sommes loin maintenant des maquettes dessinées de chic, aux ombres parfois fausses et choquantes. M. Jambon se transporte en Hollande, pour y copier les moulins de Dordrecht, et c’est sur le lac des Quatre-Gantons qu’il va dessiner les rideaux de Guillaume Tell ; comme, pour prendre ses croquis du panorama transsibérien, il fait le voyage de Pékin par terre.

Autour de lui, empilées dans des casiers, sont d’innombrables études d’après nature des sujets les plus divers : montagnes et monumens, couchers de soleil et quartiers de viande crue. Pour composer des scènes historiques ou mythologiques, c’est aux fresques et aux miniatures de tous pays que le peintre va demander son inspiration : à l’Opéra-Comique, dans Orphée, le séjour des ombres heureuses, chef-d’œuvre de grâce et de goût inspiré par M. Carré, était emprunté au Bois sacré de Puvis de Chavannes et au Printemps de Botticelli.


IV

Le décor actuel n’arrive pas seulement au maximum de ce qu’il est possible d’obtenir avec du bois, de la toile,... et beaucoup