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dentelé, on croit entendre verrouiller la porte du cachot où languit un malheureux prisonnier.

Le crépitement de la pluie battante est simulé par un long tuyau de bois, doublé de zinc, à l’intérieur duquel se superposent, de place en place, des grillages en fer à larges mailles. Un amas de cailloux et de haricots secs gît au fond de ce tube ; lorsqu’on le retourne comme un sablier sur ses bases, cette mitraille se précipite et, frappant le métal à coups répétés, rappelle le grésillement de l’eau à terre. Au nombre des moyens artificiels, par lesquels se crée l’illusion, est l’idée récente de brûler de l’encens dans un coin de la salle, au moment où sont agités en scène les encensoirs d’une cérémonie pieuse. Le public, dont l’odorat est flatté par le parfum religieux, en même temps que ses yeux voient le geste, s’unit plus intimement à la représentation.

D’où viennent les trucs et quels en sont les auteurs ? Nullement des savans, souvent de simples machinistes. Certaines trouvailles procèdent du hasard, et la plupart de celles qui font le plus d’effet sont d’une naïveté enfantine. C’est d’ailleurs sur les théâtres de Polichinelles, me disait M. Gailhard, que sont appliquées d’abord nombre des inventions les plus ingénieuses. Le directeur de l’Opéra a lui-même transporté, dans le ballet de la Tempête d’Ambroise Thomas, un orage dont il avait appris le mécanisme à Naples sur un minuscule spectacle de foire : le bateau, au lieu d’aller classiquement de droite à gauche, tournait au milieu des vagues et se dirigeait vers le trou du souffleur. Les flots, si aisément fendus, consistaient en baleines revêtues de toile verte, qui s’ouvraient devant l’esquif, le frôlaient à son passage et se refermaient derrière lui. Puis la mer et le bateau s’approchaient ensemble de l’avant-scène ; la toile verte étant simplement tirée par dessous, comme le tapis d’une table, et disparaissant dans une rainure au premier plan.

Dans la Valkyrie, on voulait dégager sans bruit une grande masse de vapeur ; les chaudières la chassaient avec une espèce d’éternuement fort peu mythologique. M. Gailhard se souvint que sa grand’mère, lorsqu’elle faisait cuire du bœuf en daube, recouvrait la casserole d’un feutre percé de trous, pour éviter que le couvercle de terre, soulevé par l’eau bouillante, ne dansât et ne se brisât en tombant. Il usa d’un feutre analogue pour que la fumée sortît avec mystère, violente et silencieuse, des flancs