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quelques années durant, une notoriété « républicaine » incontestée. Il semble que cette notoriété ne soit point destinée à durer : dès 1895, certains représentans de l’ancien opportunisme déploraient qu’on eût séparé l’école de l’Église ; et ce ne sont pas, assurément, nos dernières générations d’instituteurs qui nous peuvent rassurer sur les effets de cette séparation. Mais l’avenir, en revanche, s’attardera plus volontiers à contempler et à discuter les efforts que fit Jules Ferry pour grossir de quelques feuillets le livre, depuis longtemps commencé, de notre histoire coloniale, et pour reprendre, hors de France et loin de la France, l’œuvre de Richelieu, de Colbert et de la Restauration.

Des patriotes délite se rencontrèrent, qui combattirent cette politique : ils firent un grief à Ferry d’avoir dispersé l’attention de la France et d’avoir agi comme ces médecins qui, négligeant une plaie béante, amuseraient leur inutile dévouement en s’occupant du reste de l’organisme. Seront-ils justifiés par l’histoire ? Ou bien répondra-t-elle, peut-être, que la meilleure des thérapeutiques est celle qui multiplie, pour le malade, les occasions de reprendre confiance, et que ces occasions sont comme des écoles où les nations convalescentes se peuvent exercer et tenir en haleine pour le service éventuel de certaines espérances invincibles ? L’avenir, seul, pourra juger un tel procès.

Mais on peut dire dès aujourd’hui qu’entre les patriotes qui attachaient sur la trouée des Vosges leur regard douloureusement impatient, et le ministre colonisateur qui conviait nos drapeaux à de lointaines et fécondes promenades, il n’y avait point, à proprement parler, conflit de doctrines On estimait, d’une part, que, suivant une maxime de Drouyn de Lhuys, la France devait « travailler à concentrer ses forces, » et que la politique coloniale, qui nous exposait à les éparpiller, était « la plus fâcheuse des politiques ; » on mesurait la répercussion qui en pourrait résulter sur nos rapports avec l’Angleterre, ou bien l’on s’inquiétait des approbations mal dissimulées que donnait à nos tentatives coloniales le chancelier de Bismarck : les écrits où le comte de Chaudordy condensait son expérience de diplomate et ses anxiétés de Français demeurent le manifeste de cette école, qui jugeait que « tout l’avenir de la France est sur le continent. « — On objectait, d’autre part, que la France est la seconde puissance maritime du monde ; que ce privilège autorise certaines ambitions plus lointaines ; et que, grâce à la politique