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Paris ; ils achetaient sur pied, sans marchander, une plate-bande de rosiers, de marguerites, de pensées, une serre d’orchidées fleuries, un parterre de soucis. A propos de ces derniers, quelqu’un rappela ces gracieux vers :


Veuve de son amant, quand jadis Cythérée
Mêla ses pleurs au sang de son cher Adonis,
Du sang naquit, dit-on, l’Anémone pourprée.
Des pleurs naquirent les soucis.


Le tsar avait chargé son ambassadeur, le baron de Mohrenheim, de commander une couronne de 8 000 francs chez une fleuriste de la rue Royale : celle-ci n’ayant pu se charger de la commande, M. de Mohrenheim s’adressa à une fleuriste du boulevard de la Madeleine qui fournit une couronne de 5 000 francs. Comme pour les funérailles de Victor Hugo, de Thiers, de Gambetta, le nombre de ces couronnes atteignait un chiffre énorme ; quantité d’entre elles mesuraient plusieurs mètres de circonférence.

On distingue deux sortes de fleurs : le Nice, le Midi, que la Compagnie P.-L.—M. débarque tous les jours, le Paris ou chauffé que les jardiniers de la banlieue apportent soigneusement emballé dans leurs voitures ; le très beau Midi va aux grands fleuristes, le Midi ordinaire se retrouve sur les petites voitures, où nous le payons en général moins cher qu’à Cannes et à Nice. Les quarante commissionnaires en fleurs facilitent, l’accès du marché parisien aux horticulteurs de Provence, opèrent la sélection entre leurs produits ; les forts de la halle déchargent les voitures, perçoivent le prix de l’emplacement, veillent sur les fleurs jusqu’à l’heure de la vente.

Le Paris, le chauffé se vend beaucoup plus cher que le Nice, ce dont on ne saurait s’étonner, puisqu’il vient des serres, des forceries, produit par un soleil artificiel beaucoup plus coûteux que celui de la Provence. Qu’un fleuriste fasse payer trois, quatre francs une rose en plein hiver, lui-même l’a souvent payée un franc cinquante, deux francs : on lui en a envoyé cinq ou six douzaines, une douzaine se trouvent perdues, flétries avant la mise en vente, il faut bien se rattraper. De même pour ces corbeilles qui figurent sur les tables élégantes ; vous les payez cent francs peut-être, mais elles contiennent deux ou trois douzaines d’orchidées qui coûtent fort cher au vendeur. Et puis cette