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et que cela n’amuse pas de travailler. Ensuite l’étude même et le travail ne sont pas en soi l’objet de l’éducation. Celle-ci doit développer en nous la faculté dont nous aurons le plus de besoin dans l’ordinaire de la vie, et à laquelle nous sommes naturellement le moins disposés. Or nous n’avons pas besoin qu’on nous apprenne à faire ce que nous faisons avec plaisir ; nous n’avons besoin ni de conseils, ni d’encouragement, pour nous laisser aller à notre inclination et suivre notre pente ; mais réagir contre notre instinct, nous forcer à ce qui nous est pénible, tendre notre énergie au rebours de notre agrément, voilà ce qui exige une direction savante, une préparation lente et continue ; toute l’éducation n’est qu’un apprentissage de la vertu de l’effort. — Seulement l’erreur de Fénelon est ici une erreur de pédagogie générale : et nous n’avons à nous occuper que de celles de ses idées qui ont trait à l’éducation féminine en particulier.

La première est que l’éducation de la femme doit être en rapport avec son rôle dans la vie et que ce rôle est d’être subordonnée à l’homme. J’entends bien qu’il y a là de quoi faire pousser les hauts cris à nos féministes ; mais c’est qu’aussi il n’y a pas lieu de parler du féminisme aux siècles derniers. Les femmes ont « une maison à régler, un mari à rendre heureux, des enfans à bien élever ; » telle est leur tâche et elle n’est pas si facile à remplir qu’on ne doive les y préparer avec soin. Jean-Jacques Rousseau ne pensera pas autrement sur cette matière, ou plutôt il pensera avec plus d’étroitesse et l’exprimera avec plus de brutalité ; et ceux qui, de lui aussi, seraient tentés de faire un précurseur du féminisme, je les engagerais à relire le cinquième livre de l’Emile. « Toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes... La femme est faite pour céder à l’homme et pour supporter même son injustice... Mère judicieuse, ne faites point de votre fille un honnête homme, comme pour donner un démenti à la nature ; faites-en une honnête femme et soyez sûre qu’elle en vaudra mieux pour elle et pour nous ! » La Révolution sur ce point n’est nullement révolutionnaire. Napoléon continue la Révolution, et on sait quelles sont ses idées sur les femmes ; en digne surintendante investie de sa confiance, Mme Campan pourra écrire : « Un homme est fait pour diriger, conduire, former, défendre sa fortune, sa famille et son ménage ; une femme pour obéir... » Le grand adversaire de la Révolution, Joseph de Maistre, ne fera qu’exprimer avec plus d’esprit et de bonhomie les mêmes idées. C’est donc que, dans leur conception de la destinée de la femme, philosophes, princes, grandes dames, quelles que fussent par