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outre qu’elle influe par l’exemple, les idées de Mme de Genlis se sont propagées par ses livres de pédagogie, dont le succès fut grand et que nous ne manquerons pas de retrouver dans la bibliothèque d’Écouen.

Il s’est fait en France de terribles bouleversemens, lorsque Mme Campan devient une sorte de grand maître de l’éducation des filles. Une société a péri, l’ancien monde s’est effondré ; il s’agit de sauver de ses ruines ce qu’on pourra, pour restaurer l’instruction publique détruite comme le reste. L’ancienne lectrice de Mesdames et femme de chambre de Marie-Antoinette est très propre à ce rôle. Née bourgeoise, elle a vécu dans le monde de la Cour et connu la politesse disparue. Elle a l’expérience du professorat et a témoigné de ses solides qualités d’administrateur. S’étant trouvée, au lendemain de la chute de Robespierre, sans rien au monde qu’un assignat de cinq cents livres et trente mille francs de dettes, elle a monté à Saint-Germain un pensionnat qu’elle a mis tout de suite sur un grand pied. Une jeune veuve, Mme de Beauharnais lui amena sa fille Hortense. « Six mois après, elle vint me faire part de son mariage avec un jeune gentilhomme corse élève de l’École militaire et général. Je fus chargée d’apprendre cette nouvelle à sa fille qui s’affligea beaucoup de voir sa mère changer de nom. » Ces relations furent cause que Napoléon songea tout naturellement à Mme Campan, lorsqu’il s’agit de nommer une directrice en 1807 à la maison de la Légion d’honneur qui venait d’être créée. Ce qu’elle apporte surtout dans ses nouvelles fonctions c’est, avec un remarquable esprit d’organisation, un grand fond de bon sens. Cette bourgeoise a les qualités et les défauts de l’esprit bourgeois. Elle s’accommode aux circonstances, d’autant qu’il faut vivre. Sans renier ses anciens maîtres, elle accepte volontiers d’en servir de nouveaux et se « barbouille » de ses Bonaparte ; elle sait du moins éviter la courtisanerie : on cite d’elle telle réplique qui fait songer aux boutades célèbres de Mme Cornuel et sent sa bourgeoise du Marais, Mme Murat, avec une délicieuse vanité de parvenue, lui demandait un jour : « Mais vraiment je suis étonnée que vous ne soyez pas plus intimidée devant nous : vous nous parlez aussi librement que lorsque nous étions vos élèves. » — « Le moyen, reprit Mme Campan, d’avoir peur de reines que j’ai mises en pénitence ? » Comme elle a surtout du jugement, c’est aussi la faculté qu’elle s’appliquera surtout à développer chez ses élèves. Elle combattra chez elle l’excès de la sensibilité, et c’est le moyen de leur rendre un signalé service. « J’ai vu des jeunes filles romanesques écrire à leur mère des lettres où leur