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de témoigner à cette jeune sœur. « Je voudrois, écrivait-elle, savoir ce qu’elle fait depuis le matin jusqu’au soir. » Elle s’inquiétait de ses toilettes, de sa santé, de ses grossesses, et lui envoyait tantôt des ajustemens, tantôt une garde et un accoucheur. A sa grand’mère, à sa mère, elle n’avait jamais cessé d’adresser des lettres rares et courtes, mais toujours d’un tour ingénieusement tendre. Il était impossible que ces relations affectueuses et paisibles ne fussent pas troublées par la guerre et ses hasards. Malgré la rupture des relations diplomatiques entre la France et la Savoie, Louis XIV n’avait interdit, ni à la reine d’Espagne, ni à la Duchesse de Bourgogne, de correspondre avec leur famille. Lui-même leur donna l’exemple en écrivant de sa main à Victor-Amédée pour lui faire part de la naissance de leur commun petit-fils, « et il y eut, dit Sourches, beaucoup de ses bons serviteurs qui furent fâchés qu’il eût poussé l’honnêteté si loin à l’égard du duc de Savoie, appréhendant que ce prince n’y répondît pas comme il le devait[1]. » Mais les échanges de communications n’en devenaient pas moins rares et difficiles. Sans être complètement interrompu, le service des ordinaires fonctionnait mal, et souvent n’apportait point à la Duchesse de Bourgogne les nouvelles qu’elle attendait. Elle s’en affligeait, et l’on devine à la lecture de ses lettres qu’elle est préoccupée surtout de la crainte que la mésintelligence survenue entre sa patrie d’origine et sa patrie d’adoption ne diminue la tendresse des siens. C’est ainsi qu’elle écrivait à sa grand’mère, le 17 décembre 1703, c’est-à-dire deux mois après le désarmement des troupes du duc de Savoie :

« Votre lettre, ma chère grand’mère, m’a fait un sensible plaisir, d’autant plus que je ne m’attendois pas et que je craignois beaucoup de n’avoir de bien longtemps de vos nouvelles qui me sont très chères. Je vous conjure, ma chère grand’mère, de m’en donner le plus souvent qui vous sera possible, car je suis très sensible au marque de vostre souvenir et à l’amitié que vous me témoignez. Ce m’est une consolation dans la situation où nous nous trouvons de voir que vous vous souviendrez toujours d’une petite-fille qui vous aime très tendrement[2]. »

  1. Mémoires du marquis de Sourches, t. VIII, p. 406.
  2. Archives de Turin, Lettere di Maria Adélaïde di Savoia, Duchessa di Borgogna, scritte alla Duchessa Giovanna-Battista, sua avola. Nous avons rétabli d’après l’original le texte exact de cette lettre déjà publiée par la comtesse della Rocca et M. Gagnière.