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continent auxquels doivent être expédiées les marchandises importées par voie maritime, et qui fournissent à leur tour les objets d’exportation.

Dès lors le programme est aisé à concevoir, s’il est moins simple à exécuter. La construction maritime ne semble pas connaître de bornes aux dimensions qu’elle donne aux navires : la Compagnie anglaise White Star Line vient de lancer à Belfast un paquebot, le Celtic, qui est le plus grand de ceux qui sillonnent aujourd’hui les mers : il a 212 mètres de long, 23 mètres de large, un tirant d’eau de II mètres et un déplacement de 36 000 tonneaux ; mais ce qui le distingue d’autres paquebots à peu près semblables comme dimensions, du Deutschland par exemple, qui a 208 mètres de long, 20 de large, 8 mètres de tirant d’eau et 23 000 tonneaux de déplacement, c’est que ses machines ne développent que 14 000 chevaux de force, lui donnent une vitesse d’environ 16 nœuds, tandis que celles du Deutschland peuvent développer 36 000 chevaux et filer 23 nœuds, soit près de 43 kilomètres à l’heure. Les constructeurs du Celtic ont renoncé, de propos délibéré, à ces vitesses excessives, qui exigent à la fois des quantités de charbon énormes, une place immense réservée à l’emmagasinage de la houille et un personnel extraordinairement nombreux. Alors que l’équipage et le personnel de service du Deutschland comprennent 543 personnes, que les cabines ne peuvent contenir que 1 050 passagers, les cales 600 tonnes de marchandises et que les soutes au contraire reçoivent 4 500 tonnes de charbon, l’équipage du Celtic n’est que de 335 hommes ; il peut embarquer 2 857 passagers, c’est-à-dire presque le triple du Deutschland.

La question de vitesse est d’ailleurs étrangère à celle qui nous occupe : c’est la dimension des bâtimens qui doit déterminer la nature et l’importance des travaux à faire, dans les ports, pour les mettre à même de recevoir les navires du plus grand modèle. Le gouvernement français, justement préoccupé de ce problème qui prend chaque jour un caractère plus grave, a soumis à la Chambre des députés, le 1er mars 1901, un projet de loi portant ouverture de crédits pour 611 millions de francs, destinés à l’amélioration de la navigation intérieure et maritime. Mais, ici encore, nous nous demanderons si nous ne retombons pas, au moins partiellement, dans l’erreur déjà commise lors de l’adoption du plan Freycinet, et si, au lieu de concentrer sur deux