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davantage aux premiers frémissemens de la vie. Tel est le premier enseignement de ces portraits d’enfans.

Le second est révolution de la pédagogie. Ce qu’on voit clairement dans les premiers portraits d’enfans, c’est la volonté qu’a l’homme du moyen âge et de la Renaissance d’imposer au jeune modèle une attitude artificielle conforme aux idées de l’âge mûr. On n’a que faire d’observer un enfant, ni un adolescent : on n’a qu’à mater en lui la méchanceté de la nature et lui inspirer le respect. C’est l’époque où le maréchal de Montluc, ayant perdu son fils « en l’isle de Madères, » avouait à Montaigne « le desplaisir et crève-cœur qu’il sentait de ne s’estre jamais communiqué à luy ; et, sur cette humeur d’une gravité et grimace paternelle, avoir perdu la commodité de gouster et bien cognoistre son fils. » Le peintre n’a donc pas à observer quelles sont les attitudes naturelles à l’enfant : il lui fait observer celles qu’il trouve convenables. Il ne s’inquiète pas des révélations qu’il pourrait trouver dans les gestes et la mimique de l’enfance : il lui révèle ce que doit être le geste d’un grand seigneur ou d’une grande dame, et l’y contraint. Il lui enjoint de tourner la tête droite de son côté, de tenir les bras en équilibre, de ne pas rire, de ne pas pleurer, de porter une cerise comme on porterait une main de justice ou un bouquet comme on tiendrait un bâton de commandement. Ou bien, il le met à genoux devant la Vierge, à la suite de ses parens, joignant les mains, comme un évêque. Les seules exceptions qu’on remarque sont les portraits intimes des enfans des peintres qui, de tout temps, ont eu la permission de jouer dans le tableau : tels ces enfans de Rubens ou de Cornelis de Vos, par exemple, et les gamins des rues, comme ceux de Franz Hals et de Murillo, que n’obligeait aucune étiquette. En sorte que, pendant longtemps, la première condition pour qu’un portrait d’enfant fut un chef-d’œuvre était que cet enfant fût mal élevé.

Observons les autres : cette Infante, copiée par Fortuny, d’après le tableau de Velasquez, encagée dans son épaisse « guarde-infante, » si bien que, si elle laissait tomber son gigantesque mouchoir, elle ne pourrait jamais le ramasser. Regardons le tableau intitulé : « Guillaume II d’Orange par Van Dyck ; » — le petit Louis XIV furieux et joufflu par Mignard ; — la petite princesse de Terburg, le petit Louis de Gramont, la petite Anne d’Humières, la jeune fille à l’éventail de Carl de Vos. On les a