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VII

George Sand écrivait au prince : « Vous seul êtes grand et généreux, et brave ! Vous aimez le vrai pour lui-même. Je vous estime et vous aime de plus en plus, cher noble cœur, flamme brillante au sein de ce banc de houille qu’on appelle le Sénat. Ah, c’est un monde de glace et de ténèbres ! Ils votent la mort des peuples comme la chose la plus simple et la plus sage, puisqu’ils se sentent morts eux-mêmes. » Mérimée était moins enthousiaste : « Rien de plus éloquent, de plus incisif et de plus spirituel que son discours, mais en même temps rien de moins politique et de moins princier. Il a une absence de tact incroyable dans un homme d’esprit. Le résultat a été de faire perdre aux Polonais une quarantaine de voix. » L’Empereur fut encore moins satisfait. Il fit insérer au Journal Officiel la lettre suivante : « Mon cher monsieur Billault, je viens de lire votre discours et, comme toujours, j’ai été heureux de trouver en vous un interprète si fidèle et si éloquent de ma politique. Vous avez su concilier l’expression de nos sympathies pour une cause chère à la France avec les égards dus à des souverains et à des gouvernemens étrangers. Vos paroles ont été sur tous les points conformes à ma pensée, et je repousse toute autre interprétation de mes sentimens. Croyez à ma sincère amitié (21 mars 1863). » Le même jour, Drouyn de Lhuys télégraphia à Montebello : « Dites que la pensée du gouvernement est tout entière dans les documens publics et dans les discours de M. Billault et qu’il ne faut pas la chercher ailleurs. »

Le prince se crut obligé de se plaindre de cette lettre à Billault. « Sire, personnellement j’ai été aussi maltraité que possible par Votre Majesté et publiquement et en particulier. Cette conduite doit-elle m’imposer un silence respectueux et complet ? Oui, si je ne consulte que mes goûts et mon intérêt ; non, si je crois avoir une bonne idée à vous soumettre et pouvoir servir la cause de l’Empire et des nationalités et de la liberté en Europe. L’Empereur appréciera ; si je suis blànié sans retour, vous ne me répondrez pas et je comprendrai. Si, tout en me blâmant, vous ne me réprouviez pas tout à fait, vous me ferez venir et vous m’écouterez. Vous m’avez donné une grande preuve de mépris en ne tenant aucun compte de mon silence dans la discussion de