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Noblesse oblige ! On pourrait dire avec la même vérité : Mépris oblige ! C’est donc en spectateur ému et non en spectateur responsable que j’assiste aux laborieux efforts de ceux que cela regarde pour prendre en face de la Russie arrogante et tranquille une situation qui ne soit ni la paix ni la guerre, afin d’échapper en même temps au péril de la guerre et à l’humiliation de la paix. »

La passion religieuse se donnait carrière sur la Pologne. Les mandemens ordonnaient des prières pour les Polonais et imploraient sur leurs armes la bénédiction divine. Dans certaines maisons religieuses, les Dominicains de Vaugirard, on distribuait en prix des statuettes de paysans polonais armés de faux. Le Pape lui-même, malgré l’encyclique de Grégoire XVI contre la rébellion de 1830, se décida à une manifestation publique. A la demande d’un grand nombre d’évêques, il venait de rétablir une procession solennelle, qui avait lieu tous les ans aux siècles derniers et dans laquelle on transportait, de Saint-Jean-de-Latran à Sainte-Marie Majeure, l’image du Sauveur qui est vénérée dans le sanctuaire de la Scala Santa. Pie IX envoya au cardinal vicaire, à ajouter au rescrit annonçant la procession, un paragraphe rédigé par lui-même, qui appelait les prières des fidèles sur la cause de la Pologne « qui fut tant d’années le rempart de la chrétienté. » « C’est une satisfaction, dit-il à notre ambassadeur, que je donne aux instances qui me sont faites ; elle sera peut-être considérée comme peu dans les idées du monde, elle est beaucoup dans les idées de l’Eglise ; les prières sont ce qu’il y a de plus puissant ; elles valent toutes les autres armes. »

Un seul journaliste, Emile de Girardin, avec une vigueur admirable, défendait les circulaires de Gortschacof et conseillait à l’Empereur la résistance à des emportemens irréfléchis. Morny, Fould, dans les conseils, soutenaient cette politique. L’Empereur n’étant plus excité par le prince Napoléon, très opportunément en disgrâce, ne tarda pas, malgré ses sympathies polonaises, à se rendre compte de l’abîme où le poussaient des folliculaires sans responsabilité.

D’ailleurs, comment faire la guerre ? Par où aborderait-on la Pologne ? par Trieste en traversant l’Autriche ? François-Joseph ne le permettrait pas. Par le Rhin ou par la mer Baltique, ou du Nord ? la Prusse croiserait la baïonnette. Et on ne connaissait pas le moyen de faire tomber de ballons une année sur un territoire inaccessible de tous côtés. Aux objections on répondait