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la Russie. » Durant toute la négociation polonaise, la seule préoccupation de l’Angleterre avait été de nous séparer de la Russie : dès qu’elle y fut parvenue, elle s’arrêta court et ne s’occupa plus de la Pologne. Cela ne nous valut pas même des relations plus étroites avec elle : elle se montra plus que jamais méfiante, et l’Empereur de plus en plus mécontent des insécurités d’une telle alliance.

La Pologne s’était mise entre la Russie et nous ; d’autre part, la Vénétie rendait impossible notre rapprochement avec l’Autriche, malgré la volonté sincère de son souverain de vivre en bonne intelligence avec l’Empire français. L’Empereur en était réduit à demeurer dans l’impuissance de l’isolement ou à rechercher l’alliance de la Prusse à laquelle il n’y avait plus d’obstacle, dès qu’il était disposé à prêter la main à ses agrandissemens en Allemagne sans exiger en retour une compensation sur le Rhin. C’est en effet le parti qu’il adopta. Goltz rapportait à sa cour que Drouyn de Lhuys lui aurait dit : « L’Angleterre aura à supporter la responsabilité des complications ultérieures. Si vous avez à nous dire quelque chose à l’oreille, soyez certain que nous vous écouterons avec attention. » L’Empereur aurait même été plus explicite : « Mon dessein, aurait-il dit, serait de m’entendre avec vous sur des choses importantes. Je n’ai rien que je puisse vous demander pour moi, mais vous ne pouvez pas vous dissimuler que votre situation actuelle est intolérable ; vous avez autour de vous une foule de petits États qui vous gênent et vous paralysent à chaque pas. J’ai pour devoir de m’occuper maintenant de former mon système d’alliances et je souhaiterais beaucoup d’y voir entrer la Prusse[1]. »

La guerre de Crimée avait noué l’alliance anglaise. De la guerre d’Italie était sortie l’entente russe. L’échec polonais inaugura l’amitié prussienne. Distincte des précédentes, elle s’en rapproche pourtant par l’identité de son but : c’était pour préparer l’affranchissement de l’Italie que l’Empereur avait établi de bons rapports d’abord avec l’Angleterre, puis avec la Russie ; c’est pour l’achever qu’il mit sa main dans la main de la Prusse bismarckienne.


EMILE OLLIVIER.

  1. Rapport de Goltz, du 23 novembre 1863.