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vagues tiennent en suspension et roulent avec elles sur l’estran.

Une troisième cause de destruction, plus puissante encore, agit dans le même sens ; c’est l’affaissement général et séculaire de toute la presqu’île armoricaine. En de nombreux points de la côte en effet, on trouve, à quelques mètres sous le sable, des arbres ensevelis, débris de vieilles forêts noyées, des ruines de constructions romaines et même du moyen âge, des amorces d’anciens chemins, aujourd’hui recouverts par le flot de marée. Il est donc hors de doute que tous les petits îlots, en nombre considérable et encore indéterminé, que nous voyons émerger ou seulement à fleur d’eau, disséminés au pied ou à une certaine distance de la falaise, en faisaient autrefois partie ; qu’une zone plus ou moins large anciennement couverte de végétation a été engloutie par les eaux et enfouie sous le sable, et que, depuis une quinzaine de siècles seulement, et à plus forte raison depuis l’origine de notre dernière période géologique, toute la presqu’île armoricaine a reculé devant la mer.

Fixées à peu près partout aujourd’hui, les dunes de la Bretagne ne sont plus à redouter. Tout au contraire l’apport du sable marin est devenu un précieux élément de richesse. Le sol breton est, en effet, presque entièrement formé de roches anciennes, schistes et granits, et manque absolument de calcaire. Or, ce calcaire lui est heureusement fourni par le sable de la mer, qui contient en outre des milliards de débris de coquilles et d’algues, et le tout forme un excellent amendement, connu sous le nom de « tangue. » Cette tangue est le véritable engrais naturel de la côte bretonne, et la mer, qui l’a si souvent détruite et qui continue à la ronger, répare ainsi en partie son œuvre de destruction en renouvelant incessamment les forces productrices du sol.

Le climat spécial de la côte est aussi un précieux auxiliaire. Tout le monde a entendu parler de sa douceur incomparable, et on sait qu’elle est due à l’action bienfaisante des courans tropicaux et surtout du Gulf-Stream qui, après avoir remonté l’Atlantique et rencontré le courant polaire, se répercute sur la Grande-Bretagne qu’il enveloppe de brouillards comme d’un immense bain de vapeur, et vient réchauffer les rivages de la côte armoricaine, la préservant du rayonnement nocturne et bien souvent de la gelée. Certaines anses bretonnes merveilleusement abritées ne connaissent ni la glace, ni la neige. Le contraste est grand