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Morlaix, dont l’entrée est commandée par un îlot rocheux très pittoresque, massif de granit sur lequel est fièrement planté le château du Taureau, ancienne forteresse construite an XVIe siècle, pour arrêter les flottes anglaises, déclassée depuis, et tour à tour utilisée comme caserne et comme prison[1]. Ville à la fois élégante, manufacturière et agricole, Morlaix, où l’on a retrouvé quelques vestiges de l’époque gallo-romaine, a porté peut-être sous le Bas Empire le nom de Julia, sans avoir d’ailleurs laissé de cette époque éloignée des souvenirs bien intéressans. Morlaix est désigné sous le nom de Mons Relaxus, dans quelques chartes du XIIe siècle ; mais c’est sous la duchesse Anne, dont ce fut un des séjours préférés, qu’il atteignit son plus grand luxe et, pendant quelques années, une véritable suprématie sur les villes voisines. L’un des premiers grands vaisseaux de notre marine, la Cordelière, monté par 1 200 hommes, y fut construit et armé au XVIe siècle ; à la tête d’une petite flotte presque exclusivement bretonne, il battait, en 1513, une forte escadre anglaise, et incendié par elle, il s’accrochait aux flancs d’un des plus gros navires ennemis et se faisait sauter avec lui. Ce fut l’époque glorieuse, presque toujours tragique, de Morlaix. Pendant deux cents ans, plusieurs fois ruiné, mis à sac, brûlé par les Anglais, il luttait toujours sans relâche, mettant réellement en action la scène représentée par les armes qu’il s’était données, un lion de France montrant les dents et tenant tête à deux léopards britanniques, et, au-dessous, une devise qui rappelle, par un naïf jeu de mots, le nom même de la ville : S’ils te mordent, mords-les.

Morlaix occupe, à 6 kilomètres de la mer, les deux rives du confluent de deux petites rivières, le Jarlot et le Queffleuth, qui descendent des montagnes d’Arrée et prennent alors le même nom. C’est la rivière de Dossen ou rivière de Morlaix, gracieusement encaissée entre des collines boisées. Immédiatement à la sortie de Morlaix, le Dossen est transformé en bassin à flot sur plus de 1 200 mètres de longueur. Le chemin de fer, qui passe à près de 60 mètres au-dessus de la ville, sur un magnifique viaduc du haut duquel on domine le double amphithéâtre de ses maisons, est relié au port par une voie spéciale qui a près de 1 500 mètres de développement et sur laquelle on est obligé de

  1. Le Coat ; Monographie du château du Taureau. Morlaix, 1867.