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à la découverte de ce fameux étain, le métal le plus recherché et le plus utile d’une époque où le fer était à peu près inconnu.

La douceur incomparable de leur climat, dû en grande partie au retour par l’Islande du Gulf-Stream, en a presque fait aujourd’hui un séjour de plaisance et de villégiature pour les Anglais ; et la proximité de la France a naturellement provoqué leur transformation en postes d’observation qu’ils ont fortifiés et aménagés avec un soin jaloux, sur le compte duquel on ne saurait se méprendre. Les prétentions de nos voisins sur le moindre écueil qui émerge autour de ces îles sont connues et donnent lieu de temps à autre à de graves incidens qui peuvent à chaque instant se renouveler. On se rappelle que, sous le règne de Louis-Philippe déjà, quelques récifs à demi noyés autour de l’archipel de Chausey furent revendiqués comme propriété anglaise, et que le gouvernement français fut obligé d’invoquer les travaux de balisage qu’il avait pris à sa charge depuis longtemps sur ces écueils, pour en garder la légitime possession. Lorsque, vers le milieu du XIXe siècle, l’amirauté anglaise demanda à son Parlement les crédits nécessaires pour fortifier l’île d’Aurigny, et y établir, suivant l’expression un peu cynique de lord Palmerston, « une guérite et une lorgnette permettant d’avoir des nouvelles régulières de Cherbourg, » elle ajouta qu’il convenait de ne pas faire porter le débat sur les questions techniques qu’il serait dangereux d’agiter devant tout le monde. Nous avons eu l’occasion de dire ailleurs que c’est à peu près dans les mêmes termes et dans le même esprit que le prince de Bismarck avait autoritairement écarté toute discussion publique au Reichstag, lorsqu’il s’agit de voter les subventions allemandes relatives à la construction du souterrain du Gothard[1]. Tout récemment encore, quelques roches à peine saillantes autour du même plateau des Minquiers ont été le prétexte de revendications tout aussi peu justifiées. La menace est donc toujours à l’état latent ; et l’île d’Aurigny, en particulier, peut être considérée comme un ouvrage avancé de l’établissement militaire de Portsmouth, surveillant d’une manière très active les moindres mouvemens de l’arsenal de Cherbourg et de la côte de France, presque toujours visible à l’horizon[2].

La plupart des côtes très déchiquetées du Cotentin, exposées

  1. Ch. Lenthéric, l’Homme devant les Alpes. Paris, 1896.
  2. Sailing directions for the english Manuel, Captain White. London, 1840.