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renseignés, plus susceptibles et plus ombrageux que nous-mêmes. Le changement que nous avons entrevu, mais d’une manière encore bien indistincte, les a frappés plus vivement, ce qui est d’autant plus naturel que nous n’avons pas grand’chose à y gagner, tandis qu’ils peuvent perdre beaucoup. Le mécontentement que M. Jaurès a manifesté dans la presse, d’autres l’ont manifesté à la Chambre même, et M. Viviani s’est exprimé sur le compte du gouvernement dans des termes déjà sévères. Nous avions donc raison de dire qu’il était temps pour lui de mettre fin à la session. Émus de tant d’ajournemens qui avaient été prononcés malgré eux, les socialistes voulaient du moins, avant de partir, faire retentir à la tribune la foudre de deux ou trois interpellations auxquelles ils attachaient un intérêt particulier. La plus importante se rattachait aux manœuvres cléricales ; de qui ? on ne le devinerait point si nous ne le disions pas : de l’Université ! Que deviendrons-nous, grand Dieu ! si, après avoir dissous les congrégations, on s’aperçoit que l’Université, au profit de qui on aura voulu travailler, est animée d’un esprit qui ne vaut pas mieux que le leur ? Faudra-t-il la dissoudre et la disperser elle-même ? Pour le moment, M. Leygues n’est pas plus en faveur auprès des radicaux et des socialistes que le Père Du Lac en personne. On lui reproche toutes sortes de méfaits. Si ces reproches sont fondés, quelle leçon ! On aura beau faire, on n’amputera pas l’espèce humaine de quelques-unes de ses manières d’être, de penser et de sentir ; et, quand les jésuites ne seront plus en congrégation, on les retrouvera ailleurs. Voilà M. Leygues suspect, et le tour de M. Waldeck-Rousseau paraît se rapprocher. Voyant venir l’excommunication, celui-ci ne s’y est pas prêté. Au plus fort des fureurs socialistes, il est monté à la tribune et il a lu froidement le décret de clôture. On a crié au despotisme et à la tyrannie : en vain ! M. Deschanel a levé la séance, et il a bien fallu s’en aller.

Mais que sera la rentrée ? La Chambre aura alors quatre mois seulement devant elle, et son ordre du jour sera chargé à un tel point qu’il faudrait toute une législature pour l’écouler, en y mettant beaucoup d’ordre et de méthode, qualités sur lesquelles on aurait tort de trop compter aujourd’hui. La session extraordinaire commence quand il plaît au gouvernement ; il l’ouvre au moment où il le juge à propos, et le ministère Waldeck-Rousseau a montré, à ce point de vue moins d’empressement encore que ses prédécesseurs. Il n’y aurait sûrement pas de session extraordinaire, car elle n’est pas constitutionnellement obligatoire, si le budget était voté : mais, comme il ne l’est jamais