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mouillage normal de 3m, 20 ; et, à partir du port de Rouen jusqu’à l’embouchure, sur près de 130 kilomètres, un tirant d’eau moyen de 5m, 90 par les pleines mers de morte-eau, la première permettant aux bateaux un enfoncement de près de 3 mètres, la seconde assurant la remonte et la descente de tous les navires de mer dont le chargement ne dépasse pas 2 500 tonnes. Les conditions de navigabilité entre le Havre et Paris sont donc à peu près parfaites ; et Paris peut à la rigueur se considérer comme un port de mer reculé dans l’intérieur des terres, puisqu’il reçoit régulièrement des navires de 500 tonneaux effectifs ; que des bateaux à vapeur font un service régulier de marchandises avec Londres par la Seine, la Manche et la Tamise ; et qu’on a vu même pendant quelques années un trois-mâts mixte, à voile et à vapeur, charger sur le quai du Louvre des produits manufacturés de toute sorte à destination du Japon.

L’entrée et la sortie de l’estuaire de la Seine présentent cependant toujours quelques incertitudes et nécessitent le secours de pilotes expérimentés. Les embouchures de tous les fleuves sont en effet, le théâtre de transformations incessantes et quelquefois très complexes, dues à la lutte sans relâche du courant fluvial avec les mouvemens divers dont la mer est continuellement agitée. Le plus petit torrent comme le plus grand fleuve tend toujours à remblayer son embouchure. Chaque jour, chaque heure, chaque minute, il y apporte les débris des terrains meubles qu’il a traversés : et ces débris, au bout d’un temps relativement assez court, se chiffrent par millions de mètres cubes. La plus grande partie de ces matières ainsi charriées se perd sans doute dans les abîmes de l’Océan, est entraînée par les courans et dispersée par le mouvement alternatif des marées ; mais il en reste toujours une certaine quantité qui se dépose sous forme de bancs mobiles et changeans et doit forcément, à la suite des siècles, modifier d’une manière sensible les passes, les mouillages et les profondeurs. Le mieux donc est de laisser l’embouchure quand on le peut ; et la solution presque toujours adoptée consiste à ouvrir un bras artificiel, à creuser un canal latéral au fleuve à l’abri de tous les atterrissemens, et protégé à l’amont et à l’aval par des sas écluses.

Tel a été l’objectif du fameux canal du Havre à Tancarville, dont la construction a donné lieu à tant de polémiques, et qui a été définitivement ouvert à la navigation en 1887. L’idée de