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en pleine prospérité, est le premier d’une sérieuse importance que l’on trouve en remontant la Seine ; Rouen est ainsi placé dans une situation véritablement exceptionnelle, au point de contact de la navigation fluviale et de la navigation maritime, dans une des plus belles, des plus riches et des plus commerçantes vallées de la France, et possède en outre le précieux avantage d’avoir deux ports distincts, l’un sur le fleuve le plus régulier, le mieux aménagé et le plus fréquenté de tout notre territoire, l’autre qui lui fait immédiatement suite, parfaitement accessible aux navires de mer.

C’était, avant la conquête, le chef-lieu, la civitas de la peuplade gauloise des Véliocasses, l’une des quinze du Belgium et des soixante de la Gaule Chevelue, dont le nom un peu incertain de Ratama ou Ratiomacos, a été latinisé et est devenu Rotomagus. Les Romains y établirent assez tard une garnison et un préfet militaire ; ils l’entourèrent de murailles, et la ville ainsi fermée occupait à peu près l’emplacement du quartier des Carmes. Rien que les géographes classiques ne fassent pas mention de son port, on ne saurait douter un seul instant de sa fréquentation. A l’époque où il n’existait pour ainsi dire pas de routes régulières, et où les cours d’eau étaient presque les seules voies de communication, — les seules surtout que l’on pût pratiquer avec quelque sécurité pour les échanges, — le fait seul de se trouver placé à l’aval du confluent de toutes les rivières tributaires d’un grand fleuve, dont l’accès par la mer était toujours possible et même facile, était à lui seul une cause déterminante pour l’établissement d’un centre d’opérations commerciales. Le flot de marée soutient, en effet, jusqu’à Rouen le courant fluvial et peut y faire remonter la plupart des navires de mer. C’était donc le point de contact tout indiqué entre les produits d’une grande partie de la Gaule et ceux de l’extérieur, de l’île de Bretagne notamment et des pays du Nord. Depuis plus de vingt siècles, il a conservé ce caractère, et le développement industriel et manufacturier du pays en a fait un de nos ports de commerce les plus importans[1].

Il y a quelques années à peine, les caboteurs de 3 mètres à 3m,50 de tirant d’eau pouvaient seuls remonter le fleuve jusqu’à Rouen. Aujourd’hui, des navires d’un mouillage de 5m,50 à 6 mètres,

  1. L’abbé Cochet, Normandie historique et archéologique, 1872.