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III

Les études de C. V. Riley et de la commission américaine nous ont appris que les acridiens migrateurs ont une sorte de port d’attache, de foyer patrimonial d’où l’espèce s’élance périodiquement en formant des essaims d’invasion, où elle revient par des essaims de retour, et qui constitue en définitive son habitat fixe et permanent. C’est la contrée où les pontes réussissent toujours. Autour de cette région permanente, il y en a une autre que Riley appelle sub-permanente pour exprimer le fait que les incursions y sont fréquentes, que les envahisseurs s’y maintiennent plus ou moins longtemps, par exemple, pendant trois ou quatre années de suite, et s’y multiplient très abondamment. Plus loin, enfin, une troisième zone, région temporaire, correspond aux contrées où les vols d’acridiens viennent s’abattre accidentellement, sans que ces animaux puissent y former d’établissement plus ou moins durable.

Aux États-Unis, la région permanente est formée par les hauts plateaux des Montagnes Rocheuses. Là, entre 600 mètres et 2 000 mètres d’altitude, s’étendent d’immenses solitudes où les pluies sont rares et où prospère en conséquence l’unique végétation des climats secs. On y trouve une sorte de gazon, le Bunck-grass, émaillé de quelques chenopodiées ; d’ailleurs, pas un arbre. Les acridiens caloptènes rencontrent là les conditions favorables à leur existence. Leur développement y est maintenu dans un certain état moyen par le jeu de conditions opposées, les unes favorables, les autres défavorables à l’extension de l’espèce. A certaines époques cependant, l’équilibre est rompu : un concours de circonstances propices amène une multiplication excessive. Une ponte abondante, une incubation heureuse font éclore, en rangs pressés les jeunes acridiens. Ceux-ci, alors, sentent naître, en eux, le besoin instinctif et plus ou moins nouveau de s’associer en troupe ou en essaims et d’émigrer en masse à la recherche de leur subsistance. Ils colonisent ainsi la région sub-permanente, c’est-à-dire les plaines qui forment la bordure orientale des Montagnes Rocheuses entre le 38e et le 58e degré de latitude. Les nouveaux venus se maintiennent pendant trois ou quatre années dans cet habitat moins bien adapté à leurs besoins ; le plus grand nombre ne tarde pas à disparaître sous l’action prédominante des circonstances défavorables et particulièrement sous l’attaque des parasites : ce qui échappe à la destruction retourne dans la région permanente. Enfin,