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dans son île en s’interdisant le reste du monde ; mais cela fait bien dans une antithèse. En revanche, il y a beaucoup d’impérialistes en Angleterre ; on n’y voit même que de cela aujourd’hui ; seulement tout le monde n’est pas d’accord sur le sens du mot. Il y a là une question de mesure et de proportion. On est toujours l’impérialiste de quelqu’un, et c’est même par ces oppositions de personnes qu’on peut finalement s’entendre sur ce que c’est qu’être impérialiste, et sur ce qu’est l’impérialisme lui-même. On a beaucoup disserté là-dessus, en Angleterre, depuis quelques jours, sans parvenir à s’entendre. Une seule chose est claire, à savoir que sir Edward Grey par exemple, ou encore M. Asquith, est l’impérialiste de sir Henry Campbell Bannerman, et que lord Rosebery est l’impérialiste de sir Edward Grey et de M. Asquith. Les hommes et les choses, en politique, ne se définissent jamais mieux que par les contrastes. Qui n’est pas impérialiste aujourd’hui ? Mais on l’est plus ou moins, et la vraie question est de savoir jusqu’à quel point il convient de l’être. C’est à chercher ce point et à le fixer que les libéraux s’occupent, et c’est là-dessus qu’ils se divisent. — Nous dirons dans un moment ce qu’est l’impérialisme à nos yeux : revenons à la lettre de lord Rosebery et à ses conséquences.

Ces conséquences n’ont pas été aussi malheureuses qu’on aurait pu le craindre ; Il semble en effet que la lettre du noble lord, au lieu d’achever sa désorganisation, ait fait sentir au parti libéral le danger qui le menaçait et fait arrêté, au moins provisoirement, sur la pente où il glissait. Parmi ses membres, sir Edward Grey était, avec M. Asquith, un des dissidens impérialistes les plus en vue. A-t-il été un peu inquiet de la lettre de lord Rosebery ? A-t-il craint que, sous l’impulsion de l’ancien leader du parti, on ne fût entraîné trop loin dans le sens où, à la vérité, il marchait lui-même, mais où il entendait le faire avec plus de mesure et de prudence ? Quoi qu’il en soit, sir Edward Grey, dans un discours qu’il a prononcé à Petersborough, a désavoué lord Rosebery, et a donné une définition de l’impérialisme assez différente de la sienne. Il en a été de même de M. Asquith. Ce banquet annoncé depuis si longtemps, et autour duquel on avait fait d’avance tant de bruit, ce banquet qui effrayait sir Henry Campbell Bannerman comme s’il devait inévitablement en sortir un schisme, a eu lieu le 19 juillet dans des conditions assez modestes. Toute la presse a constaté qu’il y avait eu là une déception. M. Asquith n’a rien dit de bien important ; il s’est appliqué à éviter tout, ce qui aurait pu amener une scission dans le parti, ou être interprété comme