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III

« Jeudi, 8 avril, rapporte un contemporain, Mademoiselle d’Orléans arrive en son logement des Tuileries, avec grand applaudissement des Parisiens. Vendredi 9, tout le monde va visiter Mademoiselle. » Elle écrit de son côté : « Dès que je fus à mon logis, tout le monde me vint voir, les plus grands et les plus petits du parti : les trois jours que je fus à Paris, ma maison ne désemplit pas. » Un second « petit tour » aux Tuileries, la semaine d’après, n’ayant pas été moins triomphant, Mademoiselle se sentit très encouragée dans son projet, devenu public, d’épouser le roi ; la capitale du royaume l’y conviait par ses acclamations.

Dans le même temps, il se jouait à Saint-Germain une comédie dont personne n’était la dupe. Les chefs de la Fronde, généraux, belles dames, parlementaires, représentais de tous les corps constitués et de toutes les classes, jusqu’aux plus humbles, s’en venaient les uns après les autres assurer la régente de leur fidélité. « Car, dit Mademoiselle, contre le roi, je ne vis jamais personne qui avouât d’en avoir été : c’est toujours contre quelque autre. » Tout le monde était reçu, le boutiquier aussi gracieusement que le duc et pair, Anne d’Autriche avait l’air de croire tout le monde, et l’on se séparait avec des démonstrations « de joie et d’amour[1]. » Le seul personnage qui manqua son entrée fut Mme de Longueville. Elle se troubla, rougit, balbutia, et sortit furieuse contre la reine, qui n’avait pourtant rien fait pour l’intimider.

Saint-Germain rendait à Paris ses visites. Condé fut hué ; les Parisiens avaient sur le cœur la destruction de leurs maisons de campagne et de leurs jardins de la banlieue. Le reste de la cour fut bien reçu, et, quand la reine apparut en personne à la porte Saint-Denis, ramenant son fils (18 août), l’enthousiasme tint de la crise de nerfs. Les vivats couvrirent le canon de la ville, qui exécutait une salve à quelques pas de là ; au grand dépit des échevins, on ne s’aperçut même pas qu’il tirait[2]. Les gens du peuple passaient la tête par la portière du carrosse royal et faisaient leurs remarques à haute voix. Le succès de la

  1. Ormesson.
  2. Registres de l’Hôtel de ville pendant la Fronde.