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ne le fut jamais. Il eut recours à ses finasseries ordinaires, trouva des gens qui ne voulaient plus se payer de paroles, et s’aliéna définitivement le coadjuteur et Mademoiselle. Celle-ci était devenue « fort soupçonneuse » depuis qu’elle s’occupait de politique. Donnant, donnant : la paix contre la couronne de France Mazarin eut ainsi tout le monde contre lui, la noblesse et les Parlemens, la vieille Fronde et la Fronde des seigneurs. Pour comble d’imprudence, il prit part à la bataille de Rethel (15 décembre 1650), gagnée sur Turenne et ses troupes étrangères. Sa part de gloire fit peur ; elle menaçait de le rendre trop puissant. La crainte fit signer à ses ennemis un traité d’alliance qui avait été négocié, selon l’usage nouveau, par une femme sans autre mandat que ses beaux yeux et son esprit : Anne de Gonzague, princesse Palatine. L’exil du ministre et la liberté des princes en étaient les articles principaux.

Mademoiselle avait approuvé ces deux articles. Ses vues sur Louis XIV s’étaient compliquées soudain d’un nouveau projet de mariage. Elle s’était dit qu’à défaut du trône de France, il y avait une belle place à prendre en réunissant par une alliance les deux branches cadettes. Au lieu de faire le jeu de la royauté en combattant M. le Prince, il était plus politique de l’épouser. Que M. le Prince fût déjà marié, cela n’avait aucune importance ; sa femme, l’héroïne de Bordeaux, était si délicate qu’elle finirait bien par mourir. Le seul obstacle sérieux était l’opposition que ne manquerait pas de faire la cour à un dessein aussi dangereux pour l’autorité royale et la paix publique ; mais Mademoiselle pensait qu’à eux deux, elle et Condé, ils forceraient l’obstacle. Mazarin, se sentant ébranlé, était « quasi à genoux » devant elle et lui offrait le roi pour mari, pourvu qu’elle empêchât « son père de se joindre au prince ; de Condé[1]. » La reine la suppliait, au nom de leur ancienne amitié, « d’adoucir Monsieur envers M. le cardinal, » et lui laissait entendre qu’elle n’aurait rien à lui refuser en échange. Mademoiselle crève d’orgueil en racontant ces choses. Elle entrevoyait un avenir éclatant. Pour la première fois, et la dernière, ce n’était pas un pur mirage.

Son père était le chef reconnu de la coalition contre Mazarin. On n’avait pas obtenu sans peine son nom au bas du trait d’union des deux Frondes. Il n’aimait pas ce qui laisse

  1. Motteville.