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en raison de la nuit venant, ordonnèrent à l’exécuteur de couper les nerfs aux jointures des bras et des cuisses.

« On fit alors tirer les chevaux. Après plusieurs secousses, on vit se détacher un bras et une cuisse. Le supplicié regarda encore cette cruelle séparation avec une curiosité anxieuse. Ce ne fut qu’au détachement du dernier bras qu’il parut expirer.

« Les membres et le corps furent brûlés sur un monceau de bois au milieu de la place et les cendres balayées dans la rivière. »

Pendant que, sur l’échafaud, le malheureux Damiens expiait si terriblement son attentat, les seigneurs et les dames de la cour, pressés au premier rang, se repaissaient avidement les yeux de ce sanglant spectacle. Depuis le matin, ils avaient « fait grève » afin de n’en rien perdre ; mais, l’attente se prolongeant outre mesure, ils avaient imaginé, pour tuer le temps, de faire circuler au milieu des groupes, — comme en une fête mondaine, - — des plateaux chargés de rafraîchissemens.

La représentation finie, tous se hâtèrent vers les salons de Versailles, impatiens de rapporter au roi les détails de l’affreuse agonie à laquelle ils venaient d’assister. On raconte même qu’en cette circonstance, une jeune et adorable duchesse se distingua par son entrain : elle fit les délices de la galerie en mimant « avec une grâce et une vérité sans pareilles » les péripéties du drame, prouvant par là que l’insensibilité d’une âme féminine peut égaler, si extraordinaire qu’elle soit, l’endurance physique d’un régicide.


Même lorsqu’elle ne tue pas, la douleur reste pour tous un accident redoutable, un ennemi détesté aux atteintes duquel nous cherchons instinctivement à nous dérober.

Aussi méritent-ils une gratitude éternelle, les savans ailleurs de ces admirables découvertes qui ont permis à l’homme d’en éviter les coups. — Et qui donc cependant, en dehors du monde médical, qui donc s’inquiète d’en connaître les noms ? A côté de tant d’autres que leur insignifiance eût dû vouer à l’oubli, pourquoi restent-ils à peu près ignorés, ceux de ces modestes grands hommes dont la science dota l’art de guérir d’une invention sublime : l’anesthésie chirurgicale ?

Bien peu de personnes, assurément, ont ouï parler du dentiste américain Jackson, qui en fut le génial initiateur. Le