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aspect, son extérieur, un peu contrefait, n’eût rien pour les enflammer. « De dos, écrivait assez méchamment Madame, les soldats le prendront pour feu le duc de Luxembourg, et croiront qu’il s’est relevé d’entre les morts, car du dos le Duc de Bourgogne ressemble tellement au maréchal de Luxembourg, qu’on jurerait que c’est lui ; » et elle ajoute : « Il serait à souhaiter qu’il eût son bonheur à la guerre[1]. »

Des lettres mêmes de d’Artagnan, il semble cependant résulter que le vieil homme n’était pas tout à fait mort dans le Duc de Bourgogne, qu’il était assez impatient des observations et des conseils, ou que du moins, pour les faire accepter par lui, il fallait les envelopper des formes du respect. « Je crois, écrivait d’Artagnan, qu’il y a manière de luy parler, surtout quand on veut qu’il fasse quelque chose ; mais, quand on s’y prend avec le respect qu’on luy doit et que ce qu’on luy dit ne ressemble point à une lesson, mais seulement à une manière de conversation, luy faisant connaistre qu’une telle chose luy a échappé parce qu’il n’y songeoit pas, il reçoit cela à merveille[2]. » Mais, sauf cette critique (et encore faut-il la deviner entre les lignes), l’éloge est complet, et Boufflers y ajoute son témoignage, quand il écrit à Louis XIV : « Je ne puis assés dire à Votre Majesté avec combien d’esprit d’application et de sens Monseigneur le Duc de Bourgogne entre dans tous les détails de l’armée. On ne peut rien mieux en tout, et il a tous les talens nécessaires pour réussir parfaitement. Il ne luy faut que l’expérience. Tous Messieurs les officiers généraux et particuliers sont charmés de ses bontés et de ses honnestetés, et tout le monde est parfaitement content. Votre Majesté peut compter sur ce que j’ay l’honneur de luy dire[3]. »

Nous allons retrouver au contraire le dévot dans les lettres à Beauvillier. Ce n’est pas cependant, que l’accent du prince n’y vibre aussi quelquefois. Il s’émeut d’un bruit qui lui arrive de Versailles. « Un des plus huppés qui soit à la Cour » aurait parié qu’avant le 15 juillet il serait de retour. Ce pari insolent l’indigne. Sans doute, bien que le Roi lui ait permis de demander à revenir quand il s’ennuierait, il est, en ce qui le concerne, résolu à ne point user de la permission et à rester tant qu’il verra qu’il

  1. Correspondance de Madame, traduction Jæglé, t. I, p. 260.
  2. Dépôt de la Guerre, 1555. D’Artagnan à Chamillart, 29 juillet 1702.
  3. Ibid., 1554. Boufflers au Roi, juin 1702.