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les attitudes du torse et de la tête, les jeux de la bouche, de l’œil, du sourcil, du front, les plissemens, froncemens et clignemens sont analysés un par un et dans leur connexité rationnelle, avec les plus minutieux détails. L’abus de la gesticulation est, chacun le sait, l’un des défauts dont les commençans ont le plus à se défendre.

On m’a conté que Mlle Mars, pour corriger de son exubérance à cet égard une débutante à qui elle s’intéressait, lui attacha un jour aux poignets, à son entrée en scène, un fil destiné à tenir ses mains peu éloignées de son corps. Tout alla bien pendant quelque temps et le fil modérateur remplissait son office à merveille ; mais, emportée par sa diction à la fin d’une tirade pathétique, la jeune actrice étendit le bras si violemment que le fil se rompit. Toute confuse à sa rentrée dans la coulisse, elle s’excusait de son oubli : « Il n’y a pas de mal, mon enfant, interrompit la comédienne, mais il ne faut faire de geste que quand on casse le fil. » En fait de gestes, il en est qui, naturels dans la vie ordinaire, seraient ridicules dans le drame : nul de nous, en pénétrant le soir dans sa chambre, ne brandit son flambeau au-dessus de sa tête, comme Othello lorsqu’il entre au dernier acte, ivre de fureur, dans l’appartement de Desdémone endormie. Cependant, si le More de Venise apparaissait le bougeoir en main, à la hauteur de la ceinture, peut-être qu’il ferait sourire.

Une salle de médiocre grandeur, le fond occupé par une estrade, avec quelques montans de bois simulant les coulisses, huit ou dix élèves groupés en face autour d’un piano, telle est la classe de déclamation lyrique. Les élèves montent tour à tour sur l’estrade pour jouer leur scène, qui dure une dizaine de minutes : le professeur y saute parfois aussi, pour montrer à chacun ce qu’il doit faire et rectifier les fautes. Le plus souvent il arpente la pièce, et ses critiques alternent avec les phrases de la musique. Rigoletto commence ; il cherche sa fille et chante, sardonique et l’âme angoissée : la la la la… — « Prenez le mouchoir, dit le maître, palpez-le, puis jetez-le. » Et, comme l’élève exagère sa gymnastique : « Mon ami, lui crie-t-il, dans ces conditions-là, vous ne finirez pas la scène… Ici, une respiration profonde, dont le résultat doit être une note violente et expressive… C’est du chant, ça, ce n’est pas de la déclamation ; n’oubliez pas que vous êtes des chanteurs doublés de comédiens. » Mais, de nouveau, le comédien se démène trop : « Soyez sobre,