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bassins, le bassin Bérigny et le bassin Gayant ; et, de ce dernier, on pénètre dans un bassin à flot construit sur l’emplacement où se trouvait autrefois la retenue des chasses. L’ensemble des quais a un développement de près de 3 kilomètres. Ces dispositions sont très suffisantes et permettraient un mouvement commercial beaucoup plus considérable que celui qui existe depuis quelques années, — 100 000 tonnes environ, — presque tout à l’importation, bois du Nord, houilles anglaises ; quelques exportations seulement de grains et de galets noirs qui servent de lest.

La caractéristique du port de Fécamp est l’armement pour la grande pèche. Ses bateaux terre-neuviers peuvent être considérés comme les plus solides, les plus élégans, les mieux armés de notre marine. Accompagnés chaque année dans leur campagne par le merveilleux bateau-hôpital qui porte avec lui les secours matériels, les consolations morales et religieuses et tous les souvenirs de la mère patrie, ils constituent une magnifique flotte de près de 50 navires, montés par un millier de braves marins, et rapportent régulièrement, après quelques mois de fatigues et de dangers, plusieurs centaines de milliers de morues dont le produit dépasse deux millions.

Les longs préparatifs du départ annuel de cette flotte d’Islande, qui essaime pendant plusieurs semaines par groupes de deux ou de quatre bateaux naviguant de conserve, est la grande émotion du pays ; et on retrouve alors, au pied de la falaise normande, les mêmes tableaux, les mêmes scènes, les mêmes chants, les mêmes rires mêlés de larmes, les mêmes prières coupées de sanglots que dans la plupart des petits ports de la côte bretonne : — caresses naïves des enfans et des jeunes filles qui ne se lassent pas d’embrasser leurs frères et leurs fiancés ; — mâles adieux et sages conseils des vieux marins dont la moitié de la vie s’est déroulée dans le grand silence et les brumes mystérieuses des mers lointaines ; — tendres étreintes des épouses et des mères, le cœur brisé par l’angoisse du prochain départ, les espérances d’un heureux retour et le pressentiment d’une séparation éternelle ; — et, dans toutes les rues, sur les places voisines du port, le long des quais, de longues files de jeunes gens, ceux qui partent et leurs amis qui restent, enlacés en spirales, frappant le sol de leurs sabots, répétant sans cesse les mêmes chants monotones et tristes, se balançant sur leurs jambes avec cette oscillation que l’homme de mer conserve toujours un peu sur terre