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33 escadrons, et battue après une demi-heure de combat. Quant à l’infanterie, qui comprenait 48 bataillons, on sait qu’elle se débanda presque aussitôt qu’elle fut attaquée, à l’exception des régimens de Condé et de Poly, qui, restés en détachement avec le comte de Saint-Germain, firent bonne contenance à l’arrière-garde.

C’est bien la valeur des troupes qui est en cause, plus encore que celle des généraux. Ces régimens exclusivement composés de racolés se mettaient en déroute dès que le moindre désordre ne permettait plus aux officiers d’avoir leurs soldats sous les yeux.

Le triomphe de Frédéric II eut cette conséquence que les puissances adoptèrent son organisation militaire, et, sans tenir compte du caractère de leurs nationaux, la copièrent servilement.

Cette faute capitale, commune à toutes les époques, se reproduit encore de nos jours, parce qu’il est difficile à une nation de ne pas s’engouer des institutions du vainqueur. Sa vanité lui fait attribuer la cause de ses défaites, non pas à ses défaillances, mais à la supériorité de l’adversaire.

En Russie, Pierre III imposait aussitôt à sa garde les uniformes et les manœuvres de l’armée prussienne et travaillait à la transformation du reste de l’armée. Toutes les traditions militaires de la nation furent bouleversées ; la discipline prussienne, violente et brutale, remplaça l’ancienne, faite de dévouement et de bons procédés. Cette forme de discipline qui impose les manœuvres rigides et l’emploi des masses mal articulées, l’armée russe la gardera jusqu’en 1812. Elle ne saura plus faire que la guerre de positions, qui abandonne à l’ennemi l’initiative des opérations. Austerlitz, Friedland, Borodino en sont la preuve.

Après cette dernière défaite, les Russes reprennent, il est vrai, leur ancienne discipline. Mais jusques et y compris la guerre contre les Turcs en 1877, ils ne peuvent se débarrasser des anciennes formes de combat que, sans en avoir conscience, ils tiennent de la tactique frédéricienne.

En France, il en fut de même.

Le 25 octobre 1775, le comte de Saint-Germain fut appelé au Ministère de la Guerre. Il avait longtemps servi au milieu des régimens allemands, puis comme feld-maréchal en Danemark.