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Le mouvement commercial, en progrès marqué depuis le commencement du siècle, surtout en ce qui concerne les exportations, est de près de 500 000 tonnes. Les importations consistent principalement en charbons anglais pour les nombreuses usines normandes, en fontes du pays de Galles, en bois de Suède et de Norwège, en filamens à ouvrer pour nos manufactures et provenant presque tous d’entrepôts anglais. On exporte une assez grande quantité de céréales et de boissons et une masse énorme de galets qui servent au lestage des bateaux charbonniers et constituent pour eux un très bon fret de retour. Ces galets sont presque tous pris sur les pouliers de l’Ouest, et leur extraction contribue à dégager la passe. Quelques-uns, fins et noirs, triés avec soin, sont utilisés en Angleterre dans les fabriques de céramique.

De tout temps la pêche a été aussi très active à Dieppe. Une trentaine de bateaux en partent encore tous les ans pour Terre-Neuve et l’Islande. Mais la pêche locale est surtout incessante et pour ainsi dire commandée par les besoins de la capitale, qui est pour elle un débouché régulier. Ce sont les pêcheurs de Dieppe qui envoient tous les soirs aux halles de Paris la plus grande partie du poisson de mer qu’on y vend le lendemain.

Dieppe n’entretient plus aujourd’hui de relations suivies qu’avec l’Angleterre et les pays du Nord ; mais, il y a seulement deux ou trois siècles, son pavillon, comme celui de Saint-Malo, claquait fièrement au vent de toutes les mers du monde. Vers le milieu du XIVe siècle, bien avant que les Portugais eussent signalé les côtes de Guinée, deux bateaux de Dieppe découvraient les Canaries, longeaient tout le littoral de l’Afrique, y créaient une station qui fut longtemps appelée le Petit-Dieppe, cherchaient à s’orienter pour trouver la route des Indes, doublaient le cap Vert, lui donnaient le nom qu’il a toujours conservé, et rapportaient en Europe les premiers chargemens de poivre et d’ivoire qui y ont paru ; et c’est de cette époque que date à Dieppe le commerce de l’ivoire, qui y a été longtemps un véritable monopole. Un Dieppois, corsaire entreprenant, homme de guerre et de commerce à la fois, fut même pendant quelque temps maître absolu des Canaries. Ce fut aussi un marin de Dieppe, le célèbre capitaine Cousin, qui, devançant de quatre années Colomb en Amérique et de neuf années Vasco de Gama au cap de Bonne-Espérance, vint reconnaître, en 1488, l’embouchure