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rugissemens de sons, » ce qu’il nommait aussi « la finesse et la justesse de l’oreille. » Il a vu « l’idée de l’ordre et de l’unité dans l’œuvre musicale » s’élargir démesurément, c’est-à-dire au-delà d’une mesure qu’il avait fixée trop étroite. Témoin des « règles » enfreintes ou changées, il a vu reconnaître, admirer comme « l’expression de la raison saine et libre de toute prévention, » ce qu’il avait tenu lui-même pour le désordre et la folie. Enfin, « la recherche de ce qui est poignant et violent, de ce qui ébranle et enivre, » s’est de plus en plus substituée au pur « sentiment de la beauté. » L’éthos dionysiaque a remplacé l’éthos apollinien. La divine musique de Mozart est descendue parmi les hommes et sur le jeu désintéressé l’expression pathétique a prévalu.

Au change, que Grillparzer estimait ruineux, la musique pourtant a trouvé son compte. Mais ce compte, que Grillparzer n’avait pas su prévoir, il ne voulut jamais le ratifier. Pauvres critiques, et critiques de musique surtout, que nous sommes ! Un des premiers du siècle qui s’achève a méconnu ce siècle presque tout entier. Des formes sublimes de l’art ont échappé à un grand artiste, et c’est pour nous une leçon d’humilité. Mais il en est d’autres, sublimes aussi, qu’il a comprises, qu’il a chéries, et c’est pour nous une leçon d’intelligence et d’amour.


CAMILLE BELLAIGUE.