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pour eux le produit le plus précieux. Il n’y eut qu’une ombre à ce tableau, ce fut le prix élevé de la main-d’œuvre européenne nécessaire pour la récolte des fourrages, prix qui atteignait sept à huit francs par jour, nourriture et vin non compris ; mais même dans ces conditions la moyenne du bénéfice net n’était pas moins de 400 à uOO francs l’hectare. D’ailleurs ces prix élevés avaient pour la colonisation un sérieux avantage : l’appât d’un tel salaire attirait en Algérie une population d’ouvriers agricoles de plus en plus nombreuse et hâtait son peuplement. Chaque grande exploitation avait son groupement d’ouvriers européens qui habitaient d’abord dans des gourbis ou sous la tente, puis se faisaient construire des maisons, achetaient des parcelles de terre et se fixaient dès lors au sol. C’est ainsi qu’un certain nombre de familles du midi de la France vinrent vers 1834 s’installer dans le domaine de Bou-kandoura. Des Mahonnais se fixèrent de même à la Réghaïa et à la Rassauta. À Kouba M. de Vialar établit une importante colonie d’ouvriers européens et fournit à chacun d’eux une petite maison avec cour et écurie, 4 bœufs, une mule et 8 hectares de terre ; les bénéfices étaient partagés. Grâce à la fixation de cette population au sol, des hameaux se formaient à proximité des grandes exploitations et souvent les exploitations elles-mêmes se transformaient en embryons de villages. À cette transformation gagnaient également les fermiers et le propriétaire ; ce dernier vendait par lots et à bons prix une propriété qu’il avait achetée en bloc à un prix minime, et le fermier devenait acquéreur de bonnes terres dont il connaissait la valeur pour les avoir travaillées et qui lui assuraient avec l’aisance la récompense de ses labeurs.

Dans les premiers temps, la population de ces petits centres fut exclusivement agricole, mais à ce premier noyau ne tardèrent pas à s’adjoindre de nouveaux élémens. Des ouvriers, appartenant pour la plupart au bâtiment et aux industries qui vivent de l’agriculture, vinrent tout d’abord se fixer à côté des cultivateurs, puis ce furent de petits commerçans qui vinrent approvisionner l’agglomération naissante des produits que ne pouvait leur donner la culture du sol. L’accroissement de ces deux derniers élémens fut en certains points favorisé par la création des postes fortifiés que, pour donner de l’air aux troupes de la garnison d’Alger, on fut amené à installer dans le Sahel et la Mitidja. Les plus impor-tans de ces camps permanens furent établis à Mustapha, àJËl-Biar, à Hussein-Dey et à Maison-Carrée, dans la banlieue immédiate