Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’administration civile, l’autorité militaire cherchait à l’obtenir par les moyens plus radicaux qu’elle avait à sa disposition. L’autorité militaire partageait à l’égard du pays et des colons toutes les préventions de l’autorité civile. Le général Bugeaud, qui devait plus tard devenir un partisan convaincu de la colonisation, était encore en 1836 un député anticolonial déclaré. Il disait à qui voulait l’entendre que l’Algérie n’était que sables, rochers et broussailles incultivables ; que l’olivier ne croissait sur ce sol qu’au moyen d’irrigations. Dans ses lettres au Président du Conseil, alors M. Thiers, il exposait et défendait avec acharnement ses vues hostiles à toute colonisation, et dans ses conversations avec les officiers mettait toujours en avant son thème favori : la nécessité pour la France d’abandonner l’Algérie. Trop d’officiers au-dessous de lui avaient adopté sa manière de voir et apportaient dans leurs rapports avec les colons une malveillance de parti pris. Pour l’autorité militaire d’ailleurs, il ne pouvait et il ne devait y avoir qu’une seule catégorie de colons : c’étaient ceux qui se résignaient à vivre dans l’enceinte des postes, qui bornaient leur rôle à être les fournisseurs du camp, qui prenaient leur part des fatigues du soldat au point d’en devenir les auxiliaires et se pliaient aux exigences de la vie militaire, qui, en un mot, restaient sous la coupe du commandement. Les autres, les indépendans, les esprits aventureux, créateurs de fermes et de villages, étaient considérés par l’autorité militaire comme des têtes brûlées et devenaient sa bête noire. Celle-ci, qui avait reçu pour instructions d’éviter les complications et les difficultés avec les Arabes, ne pouvait s’empêcher de voir dans la présence de colons isolés au milieu des indigènes des sources de conflit pour l’avenir. Au début et tant que l’occupation fut limitée au massif d’Alger et au Sahel, les commandans militaires cherchèrent par ordre à détourner les Européens de toute entreprise au-delà des premiers postes. « A quoi bon, leur disait encore en 1838 le chef du bureau arabe d’Alger, vous établir pour coloniser ? Vous serez exposés aux miasmes, au fer des Arabes, restez donc tranquilles. » Puis, quand la Mitidja eut été ouverte à la colonisation, et que le traité de la Tafna, conclu avec Abd-el-Kaderen 1837, nous eût reconnu la possession de cette plaine, on chercha à entourer notre nouveau domaine d’une enceinte qui fût à la fois une défense contre les Arabes et un obstacle à la pénétration des Européens dans l’intérieur. On discuta sur la nature de cette enceinte. Fallait-il une muraille