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la sécurité n’en fut pas pour cela plus assurée dans ces régions. Sahel et Mitidja continuèrent à être infestés par les bandes des Hadjoutes, des Beni-Khelil et des Beni-Salem, tribus guerrières qui vivaient sur les confins du pays, et des engagemens fréquens eurent lieu entre les nomades et nos troupes. Pour en venir à bout, il fallut transformer tout le pays en un immense camp retranché. On compléta l’ancienne ligne de défense établie de l’oued Chiffa à l’oued Harrach. Sur les flancs de l’enceinte qui n’avait pu arrêter l’invasion des cavaliers d’Abd-el-Kader on décida de créer un certain nombre de villages fortifiés. La Mitidja fut bossuée de redoutes, de retranchemens, de tumulus, hérissée de blockhaus et d’obstacles, ridée de fossés et de tranchées, et ce ne fut qu’au bout de trois ans de luttes et de combats, que la guerre fut éteinte entre l’oued Harrach et l’oued Chiffa. Fatigués d’une guerre qui rapportait plus de coups de sabre que de butin, n’ayant plus rien à piller dans la Mitidja où tout avait été détruit, complètement abandonnés d’ailleurs par Abd-el-Kader que nous étions allés traquer dans son territoire propre, les tribus qui sur les confins du Sahel et de la Mitidja vivaient en état de guerre contre nous depuis la conquête se décidèrent enfin à reconnaître le nouvel ordre de choses que nous avions établi et à déposer les armes. Les Hadjoutes firent leur soumission, les Beni-Khelil quittèrent le fusil et les Beni-Salem se consacrèrent exclusivement à la culture de leurs champs. Il avait fallu douze années, de 1830 à 1842, pour pacifier le Sahel et la Mitidja, dans un rayon de quarante kilomètres autour d’Alger !

Et à quel prix cette pacification avait été obtenue ! Et combien onéreuse elle fut à la race conquérante et à la race vaincue ! Nos soldats et nos colons avaient blanchi de leurs ossemens la terre algérienne. Les balles, le soleil africain et les fièvres les avaient dévorés. Parmi les colons, ceux qui avaient survécu étaient tous ruinés. Quant aux habitans indigènes, ils avaient été exterminés ou avaient disparu. Les tribus, autrefois nos alliées, qui avaient fait le coup de feu au début de l’insurrection à côté de nos colons et que nous avions eu le triste courage d’abandonner à leur malheureux sort, étaient allées chercher auprès de l’émir l’appui que nous leur avions refusé. Les tribus hostiles à notre domination avaient été à peu près anéanties. Des Hadjoutes il ne restait plus que quelques rares survivans qui durent aller se fondre dans les tribus voisines ; les Beni-Khelil et les Beni-Salem