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de Galles. « Une fois, deux fois, trois fois !… Personne ne dit mol ?… Adjugé, le fermier George ! » Et il laisse, sans l’ombre d’un remords, emporter l’image de son père.

Le caricaturiste trouve moyen d’enchérir encore. Lorsque le prince, pour attendrir le Parlement, vend chevaux et voitures, renvoie ses domestiques, quille son palais pour se loger en garni, joue, en un mot, la comédie de la pauvreté, Gillray nous conduit dans un taudis où nous voyons Mrs Fitzherbert raccommodant les culottes du prince, tandis que, du bout de son pied, celui-ci met en mouvement un berceau à bascule où dort un marmot. Le souper s’apprête. Voici le fidèle Hanger, encore plus râpé que son maître, qui rapporte du cabaret voisin un tout petit pot de bière. Les époux surveillent du regard une tête de veau qui cuit devant la cheminée et dans laquelle il est impossible de ne pas reconnaître le roi George. On commence par mettre son père ; à l’encan ; on finit par le mettre à la broche. C’est d’une gaîté un peu féroce, mais il n’y a plus aucune gaité dans un dessin qui date de 1799 et qui représente le prince endormi et rêvant. La façon dont il s’est lourdement laissé tomber en travers de son lit indique assez que nous assistons à ce sommeil bestial qui termine les nuits de débauche. Et le rêve est un cauchemar. Cumberland, le corrupteur de sa jeunesse, lui apparaît ; il s’est échappé des enfers pour venir lui annoncer sa, fin prochaine, juste châtiment de ses folies. Le prince survécut trente ans à cette prophétie.

Les amours du duc de Sussex avec une chanteuse, Mrs Billington, le faux ménage du duc de Clarence, plus tard Guillaume IV, avec une autre actrice célèbre, Mrs Jordan, fournissent un thème à la caricature qui s’en égaie, mais ne s’en indigne pas. Sussex est aussi agréable de sa personne que son frère, le prince de Galles. A Rome, où il séjourne longtemps, on le surnomme le bel Anglais et Louise de Stolberg, l’éternelle amoureuse, est bien près de donner un Brunswick pour rival au dernier des Stuarts. Quant à Clarence, il a les mœurs et le langage d’un marin : c’est assez pour le rendre populaire ; auprès des classes inférieures. Gillray, qui a une partialité évidente pour lui, le meurtre dans sa pseudo-famille, faisant jouer ses enfans à la façon d’un bon père qui est, en même temps, un joyeux camarade. La scène n’a rien de déplaisant, mais elle prend un sens étrange et douloureux lorsqu’on la rapproche d’une autre scène qui servit