Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraître la fin dans la Nouvelle Presse Libre de Vienne. Mais ils étaient anonymes ; on les crut l’œuvre d’un prêtre interdit, et l’évêque de Munich, Mgr Scherr, insista beaucoup auprès de Dœllinger pour qu’il consentît à en entreprendre la réfutation. Mais Dœllinger ne songeait déjà plus à Dom Pedro Arbues. Le pape venait d’annoncer la convocation du Concile du Vatican, où devait être discutée la promulgation du dogme de l’infaillibilité : c’était là, pour le chanoine de Munich, une occasion autrement favorable de revendiquer les droits de la « théologie. »

Il les revendiqua d’abord d’une façon anonyme, comme il avait flétri les forfaits de l’Inquisition. Dans la Gazette d’Augsbourg, puis en volume, sous le pseudonyme de « Janus, » il fit paraître en 1869 un livre, Le Pape et le Concile, qui, cette fois, ne procédait plus par allusions indirectes, mais constituait expressément un véhément réquisitoire contre la papauté. M. Friedrich nous cite, à ce propos, une série de lettres écrites de toutes parts à Dœllinger, et lui demandant quel pouvait bien être l’auteur d’un pamphlet à la fois aussi savant et aussi méchant. Chacun y reconnaissait le tour d’esprit du chanoine et quelques-unes de ses idées ; mais personne, absolument personne ne paraît avoir un seul instant soupçonné qu’il en fût l’auteur. Lui-même, du reste, ne négligeait rien pour garder le secret. « Sigillum silentii ne frangas ! — écrivait-il à son traducteur anglais. — Ne dites à personne que le livre est de moi : c’est un livre qui coupe trop à vif !… Keep the secret by all means ! Si l’on vous interroge, répondez n’importe quoi sur le théologien allemand de premier ordre, etc. » — Dœllinger était polyglotte, et ses lettres sont ainsi remplies de phrases dans toutes les langues.

Le secret de « Janus » fut bien gardé. Pendant que la Congrégation de l’Index condamnait Le Pape et le Concile, des cardinaux, des évêques et le pape lui-même sollicitaient le chanoine Dœllinger de venir à Rome, pour prêter aux travaux du Concile le concours de son érudition. « Je désire qu’il vienne I disait expressément Pie IX à Mgr Greith, l’évêque de Saint-Gall. — Qu’il vienne, il sera bien reçu ! » Mais Dœllinger préféra rester à Munich, d’où il écrivit pour la Gazette d’Augsbourg, cette fois sous le pseudonyme de « Quirinus », une série de Lettres de Rome sur le Concile. À l’aide de notes que lui envoyait M. Friedrich, il racontait mille petites intrigues des cardinaux, dessinait leurs portraits avec une admirable férocité de caricaturiste, et, suivant l’expression de M. Friedrich lui-même, « mettait à nu les secrets du Vatican. » Les évêques allemands en particulier — que