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vainqueur ; » qu’il est fâcheux d’ « engager les mioches à marcher au pas avec les petits soldats, » dignes plutôt de recevoir « des pierres ; » et que c’est la faute aux « braves nigauds formés par l’instruction populaire » si la France veut encore avoir une belle armée. Le « Congrès des Amicales des Instituteurs, » qui vient de se clore à Bordeaux, a souhaité que l’enseignement de l’histoire eût surtout pour but de « raconter les luttes du peuple pour obtenir des libertés et des droits ; » je ne puis me défendre de quelque inquiétude en me demandant comment la « phalange des esprits libres » interprétera ce vœu, et s’il est de l’intérêt de la patrie de laisser au second plan, à l’école primaire, l’histoire de l’unité nationale et des victoires remportées sur l’étranger, et d’insister surtout sur les victoires ou prétendues victoires remportées par le « peuple » sur d’autres Français. Ce ne serait pas la première fois que le foyer de l’humanitarisme aurait couvé des étincelles de guerre civile ; et quoi qu’il advienne, la « victoire » du 14 juillet 1789, telle que les impeccables travaux de M. Funck-Brentano nous l’ont fait connaître, demeure une moindre leçon d’héroïsme que ne l’est le récit de Bouvines ou de Valmy, de Reichshoffen ou de Patay.

Quant à la répercussion extérieure que peut avoir cette suite d’atteintes portées à notre haute armée, à notre esprit militaire traditionnel, et au développement du sens patriotique dans l’âme des petits Français, l’humanitarisme républicain semble en être assez insouciant. « Soyez forts ! soyez forts ! » nous disait jadis le chancelier Gortchakoff ; et cette force nous avait valu une alliance. Or, en ces dernières années, deux puissances, à peu près souveraines du jury politique qui décerne ou qui retire les brevets de « républicanisme, » n’ont point caché leur mécontentement contre cette alliance : la maçonnerie dans ses loges, le parti socialiste dans ses clubs, ont à cet égard dévoilé leurs ultimes pensées. Au moment du voyage du Tsar à Paris, un certain nombre de loges, pour donner un avertissement aux « ateliers » qui chômaient, affectèrent de « travailler ; » et la Revue maçonnique se hâta d’inaugurer une série d’articles malveillans, dont ses lecteurs ne sont point encore lassés. M. Millerand, de son côté, disait à cette date, au nom de ; ses amis : « Le parti socialiste regarde, il écoute et il attend… » Le regard fut rapidement hostile, et l’expectative devint ombrageuse ; on vit M. Vaillant dénoncer l’ « œuvre de domesticité tsarienne et de réaction